De bruit et de fureur de Jean-Claude Brisseau fait figure de petit miracle dans le paysage du cinéma français des années 80. On y sent la rigueur et l'exigence technique du cinéaste, ce dernier offrant au grand Bruno Crémer l'un de ses rôles les plus marquants : à contre-emploi l'acteur y incarne un personnage réactionnaire à la philosophie bien particulière, aux côtés d'un François Négret tordu et sans morale...
Dans leur ensemble le casting et l'interprétation sont impeccables, Brisseau nous laissant comprendre des personnages à priori indéfendables, allant parfois même jusqu'à une certaine empathie. Mélangeant les registres, du comique burlesque à la violence la plus rêche en passant par une élégante et audacieuse fantasmagorie De bruit et de fureur est un poème cinématographique d'une beauté insolente, poignante et puissante. Parfois excessive, pas forcément réaliste mais toujours juste cette vision cruelle et crue des cités HLM de la banlieue parisienne évoque une guérilla tour à tour infernale et insouciante, menée par un Gavroche en totale rébellion contre le système ( François Négret donc, magistral ).
C'est sans doute dans sa dimension surréaliste que De bruit et de fureur fonctionne le mieux... Rappelant à certains égards le pamphlet antimilitariste que constitue Les Carabiniers de Godard cet objet rare et précieux ne ressemble qu'à lui-même, fier de sa poésie et de sa terrible et désolante dérision. Voilà donc un film tristement comique, duquel la tendresse n'est jamais complètement absente et surtout exempt de manichéisme. Un petit chef d'oeuvre.