Fais un voeu
Nota : film vu en avant-première au Café des Images de Caen, en présence du réalisateur Quand on lui demande quel lien il fait entre le vent d'hiver agitant les arbres du jardin de l'hôpital Maison...
Par
le 11 sept. 2018
4 j'aime
Nota : film vu en avant-première au Café des Images de Caen, en présence du réalisateur
Quand on lui demande quel lien il fait entre le vent d'hiver agitant les arbres du jardin de l'hôpital Maison Blanche Hauteville à Paris et les désordres psychiques de la patiente qu'il montre à l'écran, Nicolas Philibert botte en touche. "Des arbres, c'est des arbres".
Alors bien sûr, un réalisateur ne maîtrise pas forcément tous les codes de son film. Tant pis pour la métaphore ! Mais si Nicolas Philibert est dans son genre un cinéaste militant, il n'est pas non plus sourd aux symboles de son film. Tout est une question d'humeur, d'indignation. A chaque film son combat.
Car quand on le presse de parler de ce qui l'a poussé à réaliser ce documentaire, le réalisateur d'Être et avoir est plus disert. Rendre hommage, avant tout, à ces travailleur.se.s de l'ombre, au contact permanent des patients mais dont on passe volontiers la complexité du métier sous silence. Défendre un service public et une formation qui, en dernier rempart, privilégient encore l'humain sur la performance économique. Alerter sur la précarité sociale, émotionnelle, professionnelle de certain.e.s étudiant.e.s dans un cursus exigeant. Chanter la diversité d'une profession qui brasse, en particulier à l'IFPS Fondation Œuvre de la Croix Saint-Simon à Montreuil, des impétrants praticiens venus de tous les horizons, de toutes les cultures et dotés de toutes les expériences.
Formellement sobre, scolaire dirait-on, découpé en trois actes, De chaque instant observe une distance emprunte de respect et de complicité avec ses sujets. Cherchant à "se faire accepter, pas à se faire oublier", Philibert a trouvé dans son documentaire, en entrant sur la pointe des pieds et avec beaucoup de modestie dans cet univers qu'il ne connaissait pas, ce rare et délicat équilibre sans lequel il aurait pu basculer dans le pathétique, le vulgaire voire l'obscène.
Sur le fond, il en convient lui-même, il n'a guère trouvé de matière pour montrer la détresse économique du fonctionnement de l'hôpital et du métier des infirmier.e.s. Mais il ne rate aucune occasion de la mettre discrètement en évidence, en montrant sans fard la froide mécanique de certaines situations, de certains comportements, et la charge émotionnelle qui pèse sur ces professionnel.le.s. La force de ce film, et c'est là aussi ce qu'il a voulu souligner, c'est l'humain derrière la blouse blanche, qu'elle soit sur les épaules d'un étudiant ou sur celles d'un formateur. Et à ce titre, il s'agit d'un succès indubitable : il n'est pas un moment ou la pétillance ne répond à la morosité, le rire aux larmes, l'implication au doute, la vie à la mort. Plusieurs fois la salle a été secouée de rires devant les cabotineries de ces aspirants-héros ordinaires dont Philibert a salué la maturité et la force de caractère.
L'homme qui est derrière la caméra, si souvent observateur qu'il en perd l'habitude d'être observé, est tout aussi touchant. D'abord emprunté, cherchant ses mots, ébloui par le spot braqué sur la scène et comme impressionné par le public à ses pieds, il puise progressivement dans l'écoute attentive et les questions de son audience l'énergie qui l'a animé lors de la réalisation de son film. Au point qu'il n'a aucun mal à partager la fierté qu'il éprouve à l'égard de ses sujets, la juste colère qui anime son élan militant, son indignation face à la dévalorisation encore largement partagée de la société vis-à-vis de la profession.
Quand zazashe lui demande quel serait son voeu pour l'avenir de la formation d'infirmier, il répond avec ferveur : "Que l'humanité de ce métier et l'accessibilité de ses formateurs ne soient pas sacrifiées".
C'est en effet tout ce qu'on peut nous souhaiter.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Papy K.O, ah que c'était rigolo, Les meilleurs documentaires, Que j'aime ta couleur, Café, En 2018 les carottes sont cuites (films) et Les meilleurs films français de 2018
Créée
le 11 sept. 2018
Critique lue 485 fois
4 j'aime
D'autres avis sur De chaque instant
Nota : film vu en avant-première au Café des Images de Caen, en présence du réalisateur Quand on lui demande quel lien il fait entre le vent d'hiver agitant les arbres du jardin de l'hôpital Maison...
Par
le 11 sept. 2018
4 j'aime
En trois actes, la scène de l’apprentissage soignant : savoir faire, savoir dire, savoir être. La transmission, de la technique à l’humain.
Par
le 7 sept. 2024
Chaque année, ils sont des dizaines de milliers de jeunes filles & garçons à se lancer dans des études en soins infirmiers. Entre les cours théoriques, les exercices pratiques et les stages sur...
Par
le 2 juin 2024
Du même critique
" J' pense à Elisabeth Martin Pas ma mère, pas mon frère, pas ma maîtresse d'école Celle qui a plongé un matin Sa bouche et sa langue dans ma bouche à l'automne " Elisabeth Martin par Tom...
Par
le 28 juin 2017
18 j'aime
9
Jean-Pierre Jeunet nous livre un conte vibrant, émouvant et plein de malice. On y découvre les petits charmes discrets de la vie, ses instants dorés et ses périodes sombres. Le petit bout de fille...
Par
le 28 févr. 2012
17 j'aime
4
De l'honneur intangible elle est le vrai symbole Déroulant son fil blanc sur plus d'un bras de long, Son acier tremblotant miroite comme un gong Frappé un jour d'automne sous les ombres d'un...
Par
le 31 janv. 2014
16 j'aime
9