De Grandes Espérances possède ce défaut qui est malheureusement inhérent à beaucoup de nouveaux films français: celui de vouloir -peut être par excès d'ambition- brasser beaucoup trop de sujets différents, sans que le lien entre eux soit toujours à priori (voir à posteriori) trés évident.
Car ici il est question de pas moins d'une petite dizaine de thèmes, hétérogènes au possible: le capitalisme ou plutôt l'anticapitalisme , les sociétés coopératives de production (scop) ou encore le poids d'un député local sur la scène nationale. Ça c'est pour le côté politique. Mais il traite aussi du concours de l'ENA, des transfuges de classe et du poids des origines sociales. Enfin, parce que De Grandes Espérances veut aussi être un drame intimiste, on y parle du sentiment de culpabilité, de la mesure de son intégrité personnelle et de la résistance du couple face aux épreuves de la vie. Il y a aussi une enquête policière et on nous montre même en passant quelques bribes de la vie carcérale.
Il va sans dire que chacun de ces sujets aurait pu parfaitement justifier un film à lui tout seul. Et donc c'est trés logiquement que tous mis ensemble ne parviennent jamais, en seulement 1h45, à former un tout vraiment cohérent et harmonieux. Sans surprise c'est plutôt confus et elliptique tout en affichant paradoxalement une ambition qu'on ne peut pas ignorer.
Si De Grandes Espérances est par moments réussi, c'est seulement par intermittence, en prenant ses différents aspects de façon séparée. Par exemple certaines scènes sont trés bonnes, comme celle de l'"accident" initial en Corse. Mais bon ça reste juste une séquence, même réussie. Même chose pour les comédiens: si Rebecca Marder et Benjamin Lavernhe semblent toujours jouer le même type de rôle en nous proposant des personnages un peu caricaturaux, Emmanuelle Bercot et le trop rare Marc Barbé sont eux trés convaincants, respectivement dans le rôle de la députée et dans celui du père.
Si vous voulez voir un film réussi sur les compromis et les magouilles de la vie politique qui montre bien les articulations entre l'échelon local et national, je conseille Les Promesses de Thomas Kruithof sorti l'année dernière avec Isabelle Huppert et Reda Kateb. Un film resserré et tendu, qui arrive parfaitement à emboîter ensemble des choses trés diverses, pour offrir in fine une vision d'ensemble au spectateur. Le film est sans doute moins ambitieux, avec une portée moins "existentielle" que celui de Sylvain Descloux, mais il est en revanche bien mieux maîtrisé et traité.
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