À mi-chemin entre une étude médicale à la Frederick Wiseman et une plongée horrifique endoscopique, De Humani Corporis Fabrica est une expérience à vivre, de préférence dans une salle de cinéma — pas dans une salle d'opération, bien que les réalisateurs aient un talent particulier pour brouiller la frontière entre les deux. Ce qui distingue ce film des nombreux docu-dramas hospitaliers qui inondent le petit écran, c’est la capacité unique de Véréna Paravel et Lucien Castaing-Taylor à insuffler une qualité cinématographique singulière à leurs images.
Les résultats épiques fonctionnent simultanément comme une exploration de l’horreur corporelle, un portrait des personnels médicaux surmenés et sous-financés, et une analyse de la réalité économique de la mort. Avec son approche sans compromis et frontale des éléments qui nous animent, le film met à l’épreuve notre confort face à la réalité que nous sommes tous des entités en décomposition, faites de matière organique. Il nous pousse également à reconsidérer notre relation avec la médecine.
Aussi sophistiquées que soient les nouvelles technologies qui prolongent nos vies et permettent la réalisation d'un film comme celui-ci, une vérité dévastatrice demeure : la vulnérabilité de la chair persiste. Pour ceux qui résistent à la tentation de fuir vers la sortie la plus proche, cette plongée fascinante et pénétrante dans la chirurgie moderne offre une expérience inoubliable, nous amenant à méditer sur notre propre humanité, alors que nous observons l'homme réduit à un simple organisme de chair et de sang.
Certaines œuvres cinématographiques frappent aux tripes — ce film, lui, nous place directement à l’intérieur, et bien que ce ne soit pas toujours un endroit agréable, c’est une visite que l’on n’oubliera pas. Les transitions parfois abruptes et les perspectives décentrées du film sont tout aussi transgressives que les images graphiques qu'il montre. De Humani Corporis Fabrica se présente comme l’une des plus grandes explorations cinématographiques de la malléabilité spectaculaire du corps humain.
Les soignants que l’on voit à l’écran sont profondément humains, et le film transforme cela en une raison de les admirer davantage. La majeure partie du film nous immerge dans un monde inconnaissable et méconnaissable sous la peau, sans forme, loin de ce que Vésale voulait montrer au XVIe siècle. C’est un spectacle dérangeant et fascinant. Les opérations présentées, les organes en place dans un corps humain encombré, fonctionnant ou échouant, sont réellement saisissantes. Cependant, la structure du film est, comme l'aurait dit un critique romain ancien, inportunum et inordinatum — inopportune et désordonnée.
En fin de compte, ce film de Paravel et Castaing-Taylor repousse les limites de notre compréhension du corps, de la médecine, et de la condition humaine elle-même, nous forçant à faire face à la réalité crue de notre propre existence organique.