Dans une ville aux innombrables cheminées qui crachent continuellement de la fumée noire, Lubbichi est ramoneur. Le soir d’Halloween, il rencontre un étrange humanoïde fait de déchets. Bien que cet être sans malice soit bienveillant, les inquisiteurs le pourchassent et l’entourage de Lubbichi est partagé sur sa présence.
Yusuke Hirota est un infographiste spécialisé dans l’animation et De l’autre côté du ciel est son premier film. Il s’agit d’une œuvre surréaliste tirée du livre de l’artiste Akihiro Nishino.
Ce film cherche délibérément à se démarquer par son originalité. Son esthétique, d’abord, adopte un trait caricatural (les visages sont outrés) avec des couleurs tranchées, le tout dans une animation 3D plutôt léchée qui jure avec le monde. En effet, la ville est sale et polluée, mais les textures ainsi que les aplats de couleur sont lisses.
La narration est baroque, avec des caractères hauts en couleur (aucun personnage n’est effacé), des architectures vertigineuses et des déplacements de superhéros. Le ton est donné dès le début sous la forme d’un jeu vidéo d’arcade avec un parcours d’obstacles accompagné par de la musique MIDI.
Oui, mais De l’autre côté du ciel a un vrai message à faire passer. Son titre français est, comme souvent, non pas traduit, mais carrément inventé et c’est très dommage. En effet, le titre anglais, beaucoup plus proche de l’original, est Poupelle of Chimney Town. Car oui, le personnage capital de cette œuvre est bien cet humanoïde gauche, caricature de celui déjà maladroit dont il est la rémanence. De l’autre côté du ciel parle du deuil et de la difficulté d’en sortir. Ce film expose, au travers des yeux d’un enfant traumatisé par la mort de son père (il n’en parle d’ailleurs jamais), l’effort terrible de recommencer à rire et à rêver. La ville coupée du monde symbolise l’état d’enfermement de l’endeuillé, tellement noyé dans sa tristesse qu’il en oublie l’extérieur. Le dirigeant et ses inquisiteurs sont une personnification de l’égo névrotique qui croit de bonne foi protéger l’individu en le maintenant dans cet état. La personne qui a perdu un être cher compile les souvenirs qu’elle en a en un agglomérat forcément ersatz du disparu, ici Poupelle, mais qui permet de le faire continuer à exister dans son cœur. Ce n’est qu’ainsi que l’on parvient à surmonter cet état de désespoir et de continuer à vivre en se souvenant du défunt. C’est d’ailleurs grâce à l’amour du disparu, représenté par le cœur – météorite que cet avatar formé de souvenirs peut exister. Un objet particulier, ici le bracelet de son père, permet d’ancrer ces souvenirs sous la forme d’un fantôme intérieur qui permet prolonger pendant un temps l’existence de son papa. Ce processus de guérison est extrêmement difficile et nécessite de plonger aux racines de son être (dans la terre pour le film) afin d’en extraire l’énergie explosive (la poudre sans fumée) qui déchirera le voile sombre du désespoir.
L’allégorie du film est magnifique, le cheminement de ce pauvre gamin est impressionnant, mais cette œuvre n’est clairement pas pour les enfants. Trop de tristesse et de dureté y sont exprimées et, même si le jeune spectateur ne comprend pas consciemment les symboles qu’il voit, son subconscient l’enregistre. Laissons donc les enfants à leur innocence, ils connaîtront bien assez tôt l’épreuve du deuil.
De l’autre côté du ciel est une œuvre intéressante pour sa symbolique et son esthétique, mais d’une saveur très amère. À consommer en connaissance de cause, donc.