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Si Brian G. Hutton avait fait de Where Eagles Dare une œuvre âpre et sous tension, il renoue ici avec Eastwood pour un film de casse sur fond de guerre bien plus comique et léger. La trame est vaguement inspiré d’une histoire qui n’était alors que hypothétique à l’époque et qui ne sera officialisée qu’en 1997, celle d’une troupe américaine qui franchit la ligne de front pour faire main basse sur une pelleté de lingots d’or, quitte à partager le butin avec des ennemis tout aussi intéressés. L’occasion parfaite pour dérouler une satire de l’effort militaire qui crée son propre roman sans tenir compte de l’état d’esprit des hommes impliqués qui deviennent alors héros malgré eux.


On y voit donc ces hommes exténués par une guerre qui les dépasse, alors que les Alliés avancent sûrement vers Berlin et que le commandement multiplie les actes confus et sources de dommages collatéraux. Kelly a vent du filon, et parvient sans mal à convaincre un camarade, puis deux, puis trois, avant que tous les pans de l’armée ne s’engagent dans cette poursuite fiévreuse de l’or. Car quitte à crever en terre inconnue, autant le faire pour son propre compte. Le plan initial, simple et en petit comité, prend ainsi rapidement des proportions inattendues par un effet de vague où l’appât du gain fait écumer les bidasses, allant jusqu’à déplacer la ligne de front de quelques dizaines de kilomètres. L’état major, sous le nez et la barbe duquel se déroule les faits, y voit une ferveur guerrière, illusionnée qu’il est par des notions de fierté et d’honneur qui n’ont en réalité pas leur place à la guerre. Alors le général Colt, un planqué aux ambitions héroïques, s’engouffre dans la brèche, prêt à sacrer chacun de ces renégats sans même comprendre ce qu’il se trame réellement.


La structure même du récit ne peut que prêter à sourire, cette pagaille où l’on se tire la bourre pour assurer sa part étant réjouissante de chaos. Mais Kelly’s Heroes est également un pur produit de son époque, celle de la contre-culture dans laquelle les hippies succèdent aux beatniks, et où l’establishment ne se fait plus guide incontestable. En témoigne le personnage de Oddball (Donald Sutherland déphasé), pilote de tank anachronique que l’on imagine aisément dans le Hair de Miloš Forman, ou la chanson d’ouverture qui reviendra à plusieurs reprises, un morceau flower power de The Mike Curb Congregation. La guerre n’est pas le sujet, malgré les nombreuses scènes de bataille qui ponctuent l’avancée de la joyeuse troupe. Les individus sont ici au centre, et leur envie de tirer quelque chose de ce gigantesque mouroir mise en lumière. Personne ne se pose la question de la désobéissance, elle se fait sans sourciller. Cela se traduit également dans la bande-son de Lalo Schifrin qui mêle habilement tonalités martiales et guillerettes dans un décalage savoureux, ou qui cite ouvertement Morricone dans une scène qui renvoie directement au travail de Leone.



Tout juste peut-on se dire qu’un petit quart d’heure aurait pu être amputé du récit pour favoriser le rythme. Mais Kelly’s Heroes reste un détournement fort sympathique des codes du genre au profit d’une réflexion certes pas très profonde mais néanmoins pertinente, ancré dans l’essor du Nouvel Hollywood.


Frakkazak

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