Un train avance bruyamment, une lampe grince et un jeune homme soupire, las de sa situation. Fondu au noir.
Le train continue son avancée, mêlée d'une guitare saturée dont le court écho se fait entendre à l'intérieur du wagon. William Blake observe les différents paysages qui défilent devant lui : forêt, plaines, montagne, désert. Ce voyage parait interminable, la guitare va et vient puis laisse place à un silence pesant dans le wagon. Des regards s'échangent, le danger est proche. Ce jeune comptable de Cleveland a un poste à pourvoir à Machine, tout au bout de la ligne du train. Une fois arrivé à destination et après un bref entretien avec Dickinson, son employeur, il se rend compte que sa place a été prise. Puis il tue malencontreusement le fils de Dickinson après s'être retrouvé dans le lit de sa fiancée. Sa tête est mise à prix et le jeune William Blake est traqué.
Autour de ce scénario quasiment inexistant, Jim Jarmusch présente un film qui n'est ni un western, ni un road trip. Le héros fuit sans but précis et subit la vie comme elle vient. Il n'exprime que très peu d'émotions. Et son errance, ponctuée par ci par là de la guitare saturée de Neil Young, semble tourner en rond et être sans fin. Dés la séquence dans le train, il est un Dead Man, entouré de ces chasseurs de buffles, brutes sans foi ni loi.

Nobody, indien solitaire, ne cesse de le considérer comme le William Blake, peintre et poète visionnaire. Après l'avoir insulté de "stupid white man" et lui avoir demandé un peu de tabac, il décide de l'accompagner. Ainsi débute un rite initiatique, qui aidera Blake à dépasser l'absurdité omniprésente que laisse transparaître ce monde.
Monde absurde dans lequel les événements s'enchaînent sans véritable cohérence, et dont la violence répétée, souvent injustifiée, semble normale.
Monde absurde dans lequel la seule poésie qui puisse exister est un coup de revolver en plein coeur, qui transformera un marshall en icône religieuse (qu'un hors la loi ne se privera pas d'écraser).

Alors petit à petit, on se rend compte que ce rite devient indispensable, pour ne pas se laisser entraîner par cette absurdité. Et les paroles poétiques du cheminot qui paraissaient insensées au début du film finissent par prendre de l'ampleur. On aperçoit une dernière fois l'absurdité du monde au loin, mais cela ne nous concerne plus, ou du moins pour un court moment.

"- You William Blake ?
- Yes I am. Do you know my poetry ?"
yaya-dc
10
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le 12 août 2014

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