Une tragédie Grecque.

David Cronenberg avait fait déjà parler de lui moult fois avec ses productions Canadiennes, mais après Vidéodrome avec James Woods en tête d'affiche, il semblait logique que les Américains finissent par le courtiser, et c'est ce qu'il s'est passé avec ce Dead Zone. Produite par la grande Debra Hill (presque indissociable d'un autre maître, John Carpender), l'oeuvre marquait un tournant dans la carrière de l'auteur, l'histoire n'étant pas de lui, mais une adaptation d'un roman de Stephen King (le scénario n'est d'ailleurs pas non plus le sien, mais de Jeffrey Boam, connu pour avoir scénarisé L'aventure Intérieure et L'arme fatale 2, entre autres). Un choix logique, surtout à une époque où l'écrivain avait le droit à de bonnes adaptations servies par de bons réalisateurs, avant qu'elles ne régressent, finissant la plupart en direct-to-video. Pour combler le lot d'évolutions, Cronenberg a également eu le droit à un casting en vogue à l'époque, dont Christopher Walken, Tom Skerritt et enfin Martin Sheen. Un projet d'envergure, et pourtant le petit Canadien habitué aux petites productions ne courbe pas l'échine, bien au contraire, il révèle son potentiel, servant une mise en scène diablement passionnante, avec la déchéance de cet homme qui ne sait si sa nouvelle aptitude est un don ou un fardeau. L'aspect dramatique est d'ailleurs si bien représenté qu'au final on ne s'en rappelle plus comme d'un thriller fantastique, mais uniquement un drame, ce qui est un véritable tour de force, surtout à une époque où ces genres étaient souvent considérés comme du cinéma de seconde zone.

Bref, Dead Zone est une grande réussite, et vient se classer parmi les grandes adaptations de King, avec Cujo, Christine, ou encore Shining. Cronenberg montre une capacité réellement impressionnante à s'imprégner d'une oeuvre écrite et la transposer à l'écran, ce qui sera sans nul doute l'une des raisons qui l'auront convaincu d'adapter plus tard le roman de William S. Burroughs, Le Festin Nu.
Malgré une certaine ancienneté du produit, il n'a qu'heureusement peu vieilli, les effets-spéciaux étant mineures, ne se limitant qu'à une scène gore (mais cependant mémorable, de façon à ne pas oublier chez qui on se trouve), à l'inverse de Scanners, qui pour ceux qui ne l'ont pas connu à l'époque, parait aujourd'hui très rétro.
Il est également indéniable que le cinéaste doit beaucoup à son casting, dont un Christopher Walken crédible, servant là un des rôles qui le rendirent culte, quelques années avant Le Prince de New York. Tom Skerritt se montre quant à lui un peu plat, à l'inverse de Martin Sheen, bien plus inspiré, et cela jusque dans les dernières minutes de la bobine.
A noter également que cela aura été l'une des rares fois où Cronenberg aura recouru à un autre compositeur qu'Howard Shore, la production lui ayant préféré Michael Kamen, ce qui se sera avéré être un bon choix, puisqu'il aura servi quelque chose de qualité, le propulsant juste après aux côtés de Terry Gilliam et son Brazil.
Pour conclure, si vous êtes fan de King ainsi que de Cronenberg, vous trouverez ici l'une des meilleures symbioses qu'il vous ait été donné de voir. L'aventure étant davantage axée thriller que les précédentes réalisations de l'auteur, elle aura également toutes les raisons de plaire à un public qui était jusque là allergique à ses films.
Mention spéciale pour Christopher Walken, sublimant l'oeuvre par sa prestance, et faisant du personnage de Johnny Smith l'un des plus attachants que l'on ait pu voir, véritable martyre voué au sacrifice, rappelant Cassandre.