Deadpool est apparu pour la première fois dans les comics en 1991 dans le numéro 98 de New Mutants (au départ c'est une copie du personnage DC Comics Deathstroke) avant de recevoir en 1997 sa série régulière ou le scénariste Joe Kelly lui donne sa personnalité définitive de véritable Bugs Bunny des super-héros. Il fait de ses aventures une comédie d'action parodiant le ton sérieux des comics de l'époque, introduit les personnages secondaires de Blind Al et Weasel. Dans les années 2000 le personnage connait une popularité exponentielle et fini par se retrouver vedette d' une multitude de titres. Les fans sont heureux, quand en 2009 ils apprennent que Wade Wilson (son véritable nom) va figurer dans le film Wolverine Origins (Deapool est issu du même programme secret Weapon X qui a donné naissance à Wolverine) sous les trais de Ryan Reynolds, ils déchantent vite face au traitement subi par le personnage qui termine le film, comble pour un personnage si bavard, avec la bouche cousue.
La Fox commande tout de même le scénario d'un spin-of aux scénaristes de Zombieland (Rhett Reese et Paul Wernick) enterré après que celui-ci ait fuité sur le net. Fan du personnage et du script le spécialiste des SFX Tim Miller tourne un demo-reel de quelques minutes avec la participation de Ryan Reynolds l'acteur étant toujours décidé à rendre justice au personnage. L'accueil enthousiaste reçu par cette courte scène qui fuite à son tour sur le net convainc la Fox de laisser sa chance au projet avec certes un budget réduit pour un film de super-héros mais une totale liberté y compris un classement R (interdit au moins de 17 ans) inédit pour ce type de production.


Le film s'ouvre "Matrix style" avec des personnages dont Deadpool figés en plein crash de automobile suspendus dans le temps et l'espace alors que défile le générique ou ne figure aucun nom mais des mentions du style "produit par des culs" ou réalisé par "un incompétent trop payé" donnant le ton de ce qui va suivre. Cet esprit Monty-Pythonesque (un gag de "Sacré Graal" est expressément cité lors d'une confrontation entre 'Pool et Colossus) est une des composantes de l'humour irrévérencieux qui baigne le film tour à tour potache, graveleux ou meta-textuel. Le personnage principal conscient de sa nature fictionnelle s'adresse directement au spectateur que ce soit pour se plaindre des contraintes budgétaires imposées par le studio, coller un de ses chewing-gum sur l'objectif ou détourner lui-même la caméra alors qu'il s’apprête à interroger un méchant.
Le script initial arrive intact à l' écran (seuls des gags ou les héros pariaient sur la façon dont Amy Winehouse , décédée depuis, allait mourir ont disparu) raconte l'origine du héros en voix-off à travers une série de flashbacks s'articulant autour d'une scène d'action sur une bretelle d'autoroute. La familiarité de l'intrigue sert les commentaires ironiques du personnage qui se moque des reboot de la franchise X-Men (se demandant si il va rencontrer James McAvoy ou Patrick Stewart) et même du statut de sex-symbol de son interprète principal !
Dans le premier de ces flash-back Deadpool nous promet une histoire d'amour et il ne ment pas. Même si sa fiancée (Morena Baccarin) est une "professionnelle"et leur rencontre très chaude nous est montré au travers d'un hilarant montage de leurs parties de jambes en l'air, on nous montre aussi leur vie commune et la façon dont ils se complètent et se soutiennent - jusqu'à ce que Wade frappé d'un cancer terminal la quitte pour ne pas à avoir à lui infliger sa déchéance. C'est en acceptant l'offre de guérison d'une mystérieuse organisation qu'il va acquérir ses pouvoirs de régénération mais aussi se retrouver défiguré. C'est pour se venger des tortures qu'on lui a fait subir et retrouver forme humaine qu'il traque le vilain de l'histoire Ajax (Ed Skrein) un mercenaire sadique insensible à la douleur.


Le film est pleinement ancré dans l'univers mutant et Colossus le héros métallique russe (une belle création CGI de Digital Domain) des X-Men y figure en bonne place. Accompagnée d'une apprentie mutante adolescente Teenage Negasonic Warhead (Brianna Hildebrandt) il tente de recruter Deadpool , son utilisation comme clown blanc ultime face à l’incontrôlable mercenaire est un coup de maître. Colossus insensible à l' ironie est la cible des mauvaises blagues du héros et lui sert de parfait contrepoint. C'est aussi un plaisir de fan le de voir affronter Gina Carano ( "Haywire" "Fast & Furious 6.") la complice d'Ajax Angel Dust dans un fight super-héroïque.
Le tour de force du film est de faire cohabiter des genres concurrents à la fois comédie érotique, romance, thriller bourré d'action, slasher gore, bromance, et cartoon live sans perdre le spectateur. C'est un film conscient de ce qu'il est mais jamais cynique et il le doit à la performance de Ryan Reynolds, complètement investi dans le rôle qui "vend" chaque blague même les plus choquantes de manière totalement naturelle utilisant à merveille l'autodérision sur son statut de sex-symbol ou ses précédentes expériences de super-héros à l'écran (dans Green Lantern).
Venu du monde des effet spéciaux Tim Miller maximise son budget et filme l'action de manière à la fois percutante et très lisible. Le film fourmille de clins d’œil visuels à l'univers du comics (le nom des créateurs du personnage figure sur des panneaux de signalisations ou sur une boisson) et marque un pas supplémentaire dans une tendance forte des films de comics récents, confortés par le succès du genre, qui n'hésite pas à transposer au plus prés l'esprit mais aussi les codes visuels du medium plutôt que d'essayer d'en gommer les aspects les plus outranciers. C'est ce qui détermine une adaptation de comics réussie. Cela ne fait pas pour autant de Deadpool un film parfait mais il est respectueux du public qu'il vise et du matériau qu'il adapte.
Conclusion : Avec son patchwork de tonalités, son aspect autoréférentiel et son contenu réservé aux adultes Deadpool ne devrait pas fonctionner pourtant Tim Miller et Ryan Reynolds sont parvenus à faire un film percutant, romantique et irrévérencieux mais aussi un des films de super-héros parmi les plus satisfaisants.

PatriceSteibel
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le 11 févr. 2016

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