Il est question, lors d'une très belle séquence au début du film, d'un retour du protagoniste principal chez lui. Sa maison se situe à proximité d'une voie de chemin de fer et nous est introduite de nuit justement, à la lueur d'un train de banlieue passant à toute vitesse.
Ce train, immense, presque irréel, est évidemment une invention numérique qui partagera sa substance "animée" avec l'autre grand effet spécial du film: Je veux bien évidemment parler de Ryuk.
Je m'explique: voici une séquence où il est question d'expliciter l'un des projets du metteurs en scène, à savoir passer d'une substance, une incarnation (le dessin animée) é une autre (la celluloïde). Ce train, en exergue de la séquence, nous fait l'effet d'un dessin animé, justement, tandis que le décors, tremblant à son passage (friction entre l'animé et le réel) saute au yeux pour ce qu'il est: un décors de cinéma, du carton-péte hollywoodien. Cette alternance entre une pure image d'animation et une autre, complète fabrication de studio, va trouver son point culminant é la fin de la séquence lorsque Light, une fois dans sa chambre, va proposer un échange, un pont, entre lui et ryuk, entre le réel et le digital. Cet échange a lieu à la faveur d'un effet stroboscopique, lumineux, cinématographique par définition. Voilé, après le Ponts au espions de Spielberg et le Grandmaster de Wong Kar Wai, une autre belle utilisation de l'objet train au cinéma, invoquant la différence dans le régime d'image, provoquant un rapprochement entre l'animé et le réel, devenant la condition même de la possibilité de se rapprochement, ou plutôt, pour être précis, de cette passation.
Du matériel original, que reste-t-il ? Une mise en garde soigneusement écrite é l'attention de Light (é notre attention), comme une sous-couche au présent film, sur lequel celui-ci va s'écrire. Un peu comme le récent Ghost in the Shell, version Scarlett Johansson, ou inextremis, elle découvrait son identité passée (elle était le major kusanagi) et lui rendait hommage dans une ultime séquence aussi sinistre que le cimetière dans laquelle la séquence prenait place.
Wingard nous avait déjà fait le coup du palimpseste, de façon plus nihiliste (et moins intéressée) avec sa version de Blair Witch, sorti en 2016. On y découvrait des personnages courant après les protagonistes de l'original, à la faveur d'un extrait vidéo trouvé sur internet et qui s'avérera, dans un twist aussi discret que tapageur, la vidéo de leur propre mort, annihilant par l'occasion toute présence possible des protagonistes de l'originale et donc, du film original lui-même. Procédé de la substitution, de la disparition magique, le titre (Blair Witch), amputé de son "projet", en était l'expression la plus programmatique.
Ici, avec Death Note, on nuancera sur les qualités discutables de la production, de sa condition de "téléfilm". On retrouve néanmoins la patte du metteur-en-scène, son penchant pour les ruptures de ton et la musique électronique (ici, atticus ross).
Le ver est dans la pomme. Certes. Mais on a pas attendu Netflix pour en arriver là.
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