« Deep End » est un film du réalisateur polonais Jerzy Skolimowski situé dans le Londres de la fin des années 1960 (la période célébrée sous le titre de "Swinging London", qui rayonne pour sa culture pop, sa musique et sa libération sexuelle).
Tout juste sorti de l’école, Mike, 15 ans, trouve un emploi dans un établissement de bains publics assez minable. Son travail consiste à accueillir les clients et à nettoyer les chambres privatisées après leur usage. La vie semble toutefois assez oisive et Mike passe le plus clair de son temps avec sa collègue, Susan, une beauté ensorcelante aux cheveux de feu à peine plus âgée que lui. Sa disposition pour elle se mue rapidement en une obsession tenace qu’il ne parvient guère à réprouver.
C’est un film d’ambiance pur que propose Skolimowski ici. Il faut se laisser prendre par cette atmosphère particulière, dans ces bains publics assez sales aux jaunes, verts et bleus délavés. On a un contraste entre la piscine, très pâle, où les deux jeunes gens passent leurs journées assez paresseusement, et la vie nocturne londonienne hyperactive, aux lumières néon électriques déchirant le noir.
La sensualité est au cœur du film quel que soit l’univers : séduction plus feutrée entre les deux personnages dans les bains d’une part, découverte d’une sexualité débridée dans le monde de la nuit (pornographie, prostitution…).
Cela passe par un rapport au corps omniprésent dans le film, dont les environnements (piscine, club, piste de course) donnent prétexte à l’effeuillage. On a une représentation permanente des corps, tout au long du film : le corps parfait de Sue, tout d’abord, source de tous les fantasmes de Mike. Les corps des jeunes filles, en vitrine pour les vieux pervers à la piscine, et ceux des jeunes garçons, au stade, sont idéalisés, tandis que ceux des vieillards, boursouflés et hideux, sont, au contraire, associés à une idée de violence et d’abus.
Le film repose en bonne partie sur l’alchimie manifeste de Mike et Sue, dont les flirts prennent très vite une orientation érotique. En pratique, on n’a d’yeux que pour Jane Asher, une sorte de version plus jeune, plus mignonne et terriblement plus troublante de Kelly Reilly. Parfaitement mise en valeur, elle rayonne durant tout le film, sorte de mélange de femme fatale et de femme enfant, à la fois proche et amicale mais néanmoins si inaccessible qu’elle engendre la frustration.
Marqué par cet esprit "Swinging London", « Deep End » déploie cette atmosphère sensuelle et indolente qui sert d’écrin à une histoire d’amours adolescentes. Le film s’apprécie paresseusement, avec son rythme assez décousu et son enchaînement de saynètes anecdotiques et de séquences passionnantes. C’est une œuvre qui a beaucoup de saveur, qui réussit à se créer une identité propre et originale en mettant en valeur ses arguments (photo, musique, et surtout acteurs). Il possède en outre un côté fascinant, entêtant, et offre des images qui restent longtemps en mémoire. Un film captivant !