Treize Jackettes in the box, treize diablesses enfermées, de plus en plus hermétiquement, dans leur boîte à beauté, salon de coiffure qui va se muer peu à peu en fragile bunker.


Car les jumeaux Nasser, Gazaouis autosurnommés Arab et Tarzan, ont le sens, non seulement de l'image, mais aussi de la narration, et vont progresser par inversions successives. A l'extérieur du salon de coiffure, la tension est palpable, le Hamas supportant difficilement la monstration de puissance à laquelle se livre une famille mafieuse, l'un de ses membres, superbement incarné par Tarzan Nasser lui-même, se pavanant avec un lion volé au bout de sa laisse. Image presque onirique qui pourrait évoquer la créativité débridée d'un Kusturica, à ses débuts. Par contraste, l'espace féminin dédié à la frivolité de ces dames apparaît comme un havre de paix et de douceur, même si certains de ses membres se montrent d'emblée capables d'une indéniable rudesse de langage.


Mais bien vite, les combats éclatant dans la rue nécessitent la fermeture du salon. Rideau baissé, l'air va se concentrer et s'opacifier entre les protagonistes féminines, dont la violence va bientôt éclater de manière aussi folle qu'entre les mâles de l'extérieur ; ce que l'une d'elle ne manquera pas de leur lancer au visage, sur fond d'un combat de chattes et de cheveux volants. Constat peu rassurant quant à l'animosité qui traverse le monde et semble rendre impossible à ses occupants, quel que soit leur sexe, de vivre dans une cordiale harmonie. Un point d'équilibre semble toutefois atteint : même si sa nature diffère, la violence fait rage, à l'extérieur comme à l'intérieur du salon de coiffure.


C'est compter sans le moment d'ouverture de la boîte féminine. Mais là où, d'habitude, c'est le "Jack in the box" qui fait sursauter d'effroi celui qui ouvre la boîte et en libère son diable, ici c'est le contenu de la boîte, autrement dit les treize diablesses atterrées, qui vont voir leur dérisoire abri s'ouvrir sur une scène infernale, où la rue, naguère baignée de soleil, apparaît plongée dans la nuit et tout entière livrée aux flammes, à l'éclat tournoyant des gyrophares et à la désolation.


On pourrait reprocher à ce nouveau duo fraternel le caractère trop archétypal de ces treize femelles (de la bourgeoise libre et aigrie, superbe Hiam Abbas, à l'intégriste en burqa ; de l'amoureuse éperdue à la promise pure et naïve ; de la désenchantée à la future maman ; de la belle-mère jalouse à la maman protectrice...). Mais sans doute cette proximité avec la caricature est-elle nécessaire pour la préservation d'une atmosphère de comédie, pour le maintien de la possibilité d'un rire, pour la tension vers le surgissement d'une sorte de parabole du pire, qui permette d'échapper à l'illusion que tel ou tel groupe humain vaudrait mieux que les autres, serait moins fou et moins meurtrier que les autres. Il n'en demeure pas moins que la perplexité et la douleur des femmes sont grandes, lorsque s'offre à leur regard les effets de la folie des hommes. Sans doute ne sommes-nous capables de prendre la mesure de la déraison que lorsque celle-ci n'est pas nôtre. Ainsi l'humanité ressort-elle joliment et savamment "dégradée" de cette démonstration implacable des dérèglements humains.

AnneSchneider
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le 16 mai 2016

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Anne Schneider

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