Délicieux a quelque chose de décalé et atypique, tant dans la période où il se déroule que dans celle où il est exploité.


Car le film de Eric Besnard transpire la passion pour son sujet, jusqu'à transmettre malgré l'écran le goût et l'odeur de sa cuisine par ses couleurs et ses textures. Son Manceron parle de cuisine comme il parlerait d'art, de sacerdoce, en mettant le plaisir et la saveur en avant, comme avait pu le faire Pixar à travers un petit rat adorable dans son Ratatouille.


Un propos salutaire, qui désacralise l'élitisme de cet art, dont on oublie un peu vite qu'il était réservé jusqu'ici à la noblesse comme moyen de tromper l'ennui et l'oisiveté, que l'on pourrait presque reprendre pour parler du cinéma et de la cinéphilie, dont le bon goût semble aujourd'hui confisqué par quelques initiés dédaigneux et autres palais délicats se croyant seuls légitimes pour distinguer ce qui est bon de ce qui est vil.


Voilà un aspect du film qui ne manque pas de sel, si vous voulez mon avis.


Si le déroulement de Délicieux est des plus classiques et prévisibles, le film n'en demeure pas moins une ode à une certaine idée de la gourmandise et de la recherche de la perfection dans le travail qui relève la diversité de ses arômes dans un mélange délicat entre cinéma, histoire et gastronomie.


Avec l'idée de révolution qui couve, comme un léger bruit de fond dans le décor, Délicieux parle d'émancipation. Avec la transformation d'un vulgaire relais de poste en préfiguration de ce qui sera le restaurant, Eric Besnard ne fait que parler de partage, de démocratisation et, via son apprentie, de transmission d'un savoir-faire. Il y aura aussi les idées de terroir et de province à l'ombre des saisons qui se succèdent, d'un retour à une certaine simplicité de l'art culinaire.


Soit un sentiment de modernité qui baigne un film jouant pourtant, aussi, sur la reconstitution d'une époque via l'opulence de ses costumes ou la beauté de la lumière inondant certains décors. Un véritable régal pour les yeux, en somme, tandis que la simplification évidente de l'évolution de ce type de lieu ne peut que pousser à découvrir et à en savoir plus.


En ces temps de dictatures hygiénistes et de pass sanitaire, le message de Délicieux apparaîtrait presque comme un acte de résistance. Face à des recommandations hypocrites qui, sous couvert de santé publique, définissent à votre place la bien-mangeance à coup de nutriscore, d'application Yuka et de matraquage en forme de messages culpabilisant sur les risques du trop gras, trop sucré, trop salé.


Délicieux relève de l'exception en ce qu'il nourrit à la fois le coeur et l'âme de son spectateur, sans pour autant verser dans la leçon de morale, tout en mettant nombre d'ingrédients simples sur son feu pour en marier les meilleurs arômes.


Même s'il y aura toujours certains palais dédaigneux qui vous parleront, dans une moue de dégoût, de cuisine standardisée et populaire. A coup sûr les petits enfants de ceux qui considéraient la truffe comme un mets vilain car il sortait de terre...


Behind_the_Mask, qui n'a pas une allure à presser la gelée de coing.

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le 11 sept. 2021

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