Wild is wild : derrière chaque arbre se cache un prédateur

En guise de générique de début, on a droit à un dialogue écolo entre les principaux protagonistes, premier écueil d’un grand film survivaliste qui avec une grande économie de moyens et trois notes de banjo en guise de générique, on a les moyens financiers qu’on a… , va emporter le morceau haut la main.


Les grandes œuvres savent rentrer dans la conscience collective par des effets de style, une musicalité qui continue à résister au temps, il suffit de siffler « hu hu hu hu hu hu hu hu huuu » et on voit immédiatement apparaître le visage du gamin retardé mental notoire, sorte de Toby Lee autiste en territoire white trash.


La fameuse scène du viol de Ned Beatty est, et demeure encore aujourd’hui, l’un des moments de cinéma les plus dérangeants jamais vu sur un écran. Il rentre dans la catégorie des chocs visuels qui vous triturent le cerveau longtemps après sa vision, au même titre que l’horrible massacre orgiaque final d’un Salo de Pasolini.


En grand réalisateur de la confrontation homme nature, John Boorman réunit un casting de qualité, avec notamment le duo Burt Reynolds et Jon Voigt - qui selon les dires de l’auteur était initialement prévu pour rassembler Marlon Brando et Jack Nicholson – en citadins venus tâter du rapide, et le moins que l’on puisse dire, c’est que ça va leur faire mal au cul. Sans mauvais jeux de mots.


L’American Way Of Life qui va s’éclater à la cambrousse, est judicieusement mis en image avec ce quatuor d’amis chez qui on sent poindre d’emblée certains ressentiments, le privilège du petit bourgeois consistant à des joutes verbales. « Le gros joufflu est noté 8/10 dans la ferme où il travaille,… il est dans les assurances » balance le personnage interprété par Burt Reynolds, le dur à cuire, écolo en mode homme des bois à celui de Jon Voigt, le penseur du groupe.


Quand ils croisent de vrais hommes des bois, représentant de l’impitoyable rugosité de dame nature, un prédateur derrière chaque arbre, la confrontation est rude. Le discours écologique en mode idéaliste est mis à mal pour laisser place à l’implacabilité du propos, nulle trace d’angélisme idéologique Thunbergien, mais un vrai constat sur l’âpreté de dame nature, qui n’oublie jamais de parler, déjà, des laisse pour compte dont les citadins bien-pensants se fichent éperdument, sauf quand c’est pour venir se donner bonne conscience.


Magnifié par la photographie de l’excellent Vilmos Zsigmond, la splendeur des paysages majestueux sont mis en avant comme rarement et constitue encore aujourd’hui une référence pour tout amoureux des grands espaces naturels sauvages, le film parvient à provoquer un incroyable sentiment de claustrophobie en plein air. Ce qui est une sacrée gageure pour un film entièrement tourné en extérieur.


La nature dans laquelle les personnages sont venus se ressourcer afin de respirer un air pur, s’avère être un environnement hostile et malsain emprunt de dangerosité. Une bonne nique au discours écolo angélique des bien-pensants. Remarquablement mis en scène par un réalisateur au style percutant et désenchanté qui ne s’embarrasse pas des oripeaux du préconçus pour délivrer un film-choc.

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le 18 mars 2020

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