Noémie Lvovsky est pour moi la figure la plus attachante du cinéma français depuis plus de 30 ans. Réalisatrice, actrice, scénariste, entre autre, elle a le talent protéiforme des "grands" tout en affichant une certaine réserve ou plutôt une distance. Elle est une espèce de Midas du cœur qui fait que tout ce qu'elle touche se transforme en émotion brute.
"Demain et tous les autres jours", sa dernière réalisation fait suite à "Camille redouble" (devenu un véritable phénomène) et "Faut que ça danse" (l'un des plus beaux rôles de Jean-Pierre Marielle), on ne peut y voir aucune filiation, si ce n'est des univers un peu étriqués où les héros ont envie d'autre chose et où nostalgie et regrets poussent à rêver à mieux avec une folle envie de faire ou refaire les choses.
Toutefois, Noémie Lvovsky est beaucoup plus sombre dans son sujet. Mathilde (impressionnante Luce Rodriguez) est une petite fille pas tout à fait comme les autres. Sa maman en perte de capacités cognitives perd tous les jours un peu plus le sens de la vie. Situation complexe où cette presque ado doit se substituer à l'adulte au quotidien, et dont bien évidemment l'enfance est grignotée. Jusqu'au jour où cette mère très aimante, qui n'en est plus tout à fait une, lui offre une chouette ce qui va considérablement faire évoluer les rapports entre elles.
On trouve dans ce film, traité sous forme de fable, beaucoup de symboliques relatif à l'état des deux protagonistes. Je ne retiendrais que la chouette (qui parle) qui dans le chamanisme représente la sagesse et le guide spirituel, la robe de mariée enfantant des rêves d'une nouvelle vie, les gants rouges, véritable frein aux contacts physiques et affectifs. Plus significatif encore, la référence au tableau de Paul Delaroche, "La jeune martyre". Ces "détails" renforcent le malaise de cette dure réalité qui se dégrade et contre laquelle toutes les deux luttent à armes inégales.
L'amour intense qui unit cette femme et sa fille est unique, précieux, déchirant presque métaphysique. Mathilde, et la scène finale en est une belle démonstration, ne voit pas sa mère comme telle. Elle n'est pas démente, juste à part. Ondine peut sortir la tête de l'eau. Désormais ses colères ou emportements s'adresseront à la vie cruelle avec ses frasques et seront contre elle. L'amour maternel lui est intarissable et résiste à toutes les épreuves (Louise Colet) et Mathilde en sait quelque chose.
Par contre là où Noémie Lvovsky a moins bien réussi son film, concerne le rythme, en écartant presque totalement l'environnement extérieur, exception faite du père (Mathieu Amalric tout en nuances dans un rôle très court), on finit par étouffer quelque peu d'autant plus que toutes les scènes ne bénéficient pas de la même intensité, certaines que l'on aurait voulu plus longues (le fameux Noël) d'autres moins (celle de la salle de bain, pour le moins nauséeuse).
Mais globalement "Demain et tous les autres jours" est un bon et beau film à voir.