Après Goldeneye, James Bond fête son 35e anniversaire en dédiant à son producteur un film à la fois très moderne et très vieux traitant du journalisme et des médias.
Un thème inédit, puisque seuls On ne vit que deux fois et Moonraker ne montrent de premières de journaux et que seul Dangereusement vôtre voit Bond jouer les journalistes. Un questionnement sur le vrai et le faux dans la société de l'information qui s'est bâti sur l'internet présenté dans Goldeneye.
Des informations et désinformations
"On imprime n'importe quoi ces temps-ci !"
Demain ne meurt jamais n'est pas le titre de ce film. C'est en fait l'erreur d'un prote qui a remplacé un "l" par un "d". Comme quoi, à une lettre près, tout peut en effet changer. Le titre original était Tomorrow never lies soit Demain ne ment jamais en français. Un titre bien meilleur qui n'aurait pas souffert de la critique qui compte la moindre apparition des verbes tuer, mourir, vivre ou du préfixe gold dans les titres des aventures de 007 pour en faire ses choux gras. Un titre bien meilleur parce qu'ironique. Demain étant le nom du journal du méchant du film, qui n'imprime qu'un ramassis de fieffés mensonges, il ment au contraire toujours. Le titre aurait donc pu être bien plus savoureux qu'il ne l'est. L'anecdote qui a mené d'un titre à l'autre ne manque pas de l'être, savoureuse, mais n'apparaît qu'aux yeux des inconditionnels de James Bond qui la cherchent, la trouvent et la goûtent. Pour les autres, ils devront se contenter du titre bas de gamme trouvé en cours de production. Un choix malheureux qui se fait la métaphore du film lui-même: d'excellentes idées mal exploitées et parfois tirées par le bas par de mauvais choix.
On peut croire que le prote inscrivant le titre s'est trompé car ennuyé par une mouche, comme dans Brazil. D'ailleurs, à propos de Brazil ....
Le Napoléon de l'information
Demain ne meurt jamais raconte l'histoire d'un magnat des médias ayant acquis un tel pouvoir que ses journaux et satellites sont susceptibles de détruire la réputation de n'importe qui, de faire chuter des gouvernements, de remodeler le réel partout dans le monde. Partout? Non ! Car un pays d'irrésistibles chinois résiste encore et toujours à l'informateur. C'est pourquoi le PDG de Demain, Eliott Carver, cherche par tous les moyens des droits d'émission dans la seule partie du monde qui lui échappe. Il fait donc alliance avec le Général Chang pour déclencher par manipulation des informations des systèmes de navigation des bateaux anglais et des avions chinois un début de IIIe Guerre Mondiale pour la stopper dans l'oeuf. Cela doit permettre au Général d'obtenir le prix Nobel de la paix et la présidence de la République populaire de Chine et à Carver d'émettre partout dans le monde.
Chang, en plus d'avoir un nom cliché, est un personnage inexploité dans le film, apparaissant furtivement pour faire comprendre à Wai-Lin son implication dans le complot de Carver. Il fait parti de ces personnages pas suffisamment développés dans le film.
Il n'en va pas de même pour l'excellent Eliott Carver, magnat de la presse, premier méchant usant de qualités littéraires pour dominer le monde. Il compare lui-même ses satellites, ses chaînes de télévision et de radio, ses journaux à des divisions d'armées de Bonaparte. Il est incontestablement le Napoléon des lettres, le Napoléon de l'information. Ce qui n'est pas sans rappeler la scène de Docteur No où Bond comparaît ses ennemis dont l'ambition est de dominer le monde à des fous se prenant pour Napoléon. Mais si Julius No reste silencieux devant cet affront verbal, Eliott Carver, en bon journaliste, a de la répartie et contraint Bond au silence à son tour: "Ce qui distingue le génie de la folie ne se mesure qu'à l'aune du succès". C'est d'ailleurs l'un des nombreux charmes du personnage que cette aisance à la répartie, aux citations et aux bonnes phrases. On aime le voir penser ce qu'il écrit de façon performative, chercher le mot juste ("Feu le Commandeur Bond qui, je le présume, gagne en ce moment les abîmes de la Mer de Chine ! Il me faudra des articles en ... profondeur!") ou ponctuer les réponses des autres personnages de sorties telles que "délectable!", "c'est féérique !".
Mais Eliott Carver est surtout un méchant en avance sur son temps, un homme qui compte sur la société de l'information naissante, une sorte de Steve Jobs vendant des logiciels remplis de bugs pour forcer à de nouveaux achats, une sorte de Mark Zuckerberg en passe d'inventer Facebook voire un Julian Assange menteur avant l'heure. Son nom le rapproche du futur Gustav Graves et de son Icare. Comme lui, Eliott Carver est un personnage prométhéen cherchant à posséder un pouvoir qui le dépasse et finira par le brûler ! Eliott signifiant "habitant du soleil" et carver "sculpteur" en anglais. Il est le créateur d'un nouveau monde: celui dans lequel nous vivons et où les états jouent aux Carver. Que penser de C et Blofeld dans Spectre sinon qu'ils sont des Eliott Carver modernes?
Néanmoins, n'est pas Eliott Carver qui veut ! C'est l'excellent Jonathan Pryce, géante figue du cinéma et de la télévision britannique qui s'y colle avec une classe inégalable. Lui qui fut Sam Lowry, le héros malgré lui de Brazil, luttant contre un système totalitaire écrasant, devient le chef d'un système du même acabit mais invisible, furtif comme la flotte qu'il utilise pour semer la discorde. Il rentre néanmoins sans difficulté dans un rôle de méchant, en comptabilisant un grand nombre dans sa filmographie: Le Maître (La Malédiction de la mort fatale),Seamus O'Rourke (Ronin) ou plus récemment le faux président des Etats-Unis de la saga G.I.Joe. Ce qui le rend plaisant, c'est surtout la fantaisie qu'il donne à son personnage et qu'il hérite de l'un des Monty Python, Terry Gilliam qui en a fait une de ses vedettes fétiches.
Visionnaire, mégalomane, cruel, sadique, colérique, autocrate, moqueur, flegmatique et absurde sur les bords, Eliott Carver est un des meilleurs méchants de la saga et l'un des points forts du film.
Le Maître et son apprenti
Carver n'est pas seul. Il peut compter sur l'aide de deux maîtres de la torture, le Dr Kaufman et son apprenti, Herr Stamper.
Le Dr Kaufman est l'un des hommes de main les plus délirants, les plus drôles et les plus jouissifs de la saga EON. Interprété avec la bizarrerie qui le caractérise par Vincent Schiavelli (Ghost), au physique si particulier, le Docteur apparaît comme un éminent spécialiste en torture et mise en scène de meurtre qu'il pratique froidement en scientifique et artisan. Fidèle à l'esprit bondien, il revendique des overdoses de stars (Chris Farley, le beatnik William S. Bourrough?) et probablement d'autres assassinats présentés comme des accidents (Lady Diana Spencer?) , ce qui le met en pied d'égalité avec le Docteur No voleur de tableau. Ce qui est dommage, c'est que cet excellent personnage, digne d'arpenter un long moment les couloirs de ce film, n'intervient en tout et pour tout dans une seule et unique scène. On préfère un pré-générique spectaculaire plutôt qu'un début sobre où Kaufman aurait pu abattre le détenteur du décodeur servant à Gupta dans sa manipulation des données satellites parvenant aux sous-marins pour maquiller cela en accident et lui voler l'engin. On aurait pu aussi montrer Kaufman et Stamper ensemble dans cette relation de maître-apprenti qui n'est qu'évoquée. Comment croire à la vendetta à laquelle se livre Stamper pour venger un homme à qui il proférait des ordres voire des menaces dans la seule scène où ils communiquent par talkie-walkies interposés? Le Dr Kaufman est donc l'un des personnages victimes d'une mauvaise exploitation dans le film, ce qui le tire vers le bas. Et le bas, comme le bât, blesse.
Reste son apprenti, l'armoire à glace nommée Herr Stamper. Il est campé par Götz Otto, seul véritable allemand jouant un personnage germanique parmi les méchants de l'histoire, connu pour des rôles de méchants dans Le Clown, Astérix et Obélix au service de Sa Majesté et de soldats nazis dans La Liste de Schindler, La Chute, Iron Sky et récemment Les Visiteurs 3. Véritable colosse, Stamper fait impression, d'autant que son nom, Stamper, signifie une machine à poinçonner, à timbrer, à pressage, utilisée dans le monde de la presse. Tiens, tiens ! Il perpétue la liste des méchants comme Requin, Gobinda, May Day ou Necros, se distinguant par ses cheveux blonds platinés, sa jeunesse et son caractère plus loquace. Il est parfait en VO mais souffre d'un manque de crédibilité en français, doublé par Emmanuel Curtil, excellent doubleur mais que notre oreille associe trop aisément à Jim Carrey ou Ben Stiller dans leurs rôles les moins sérieux.
Le Cartomancien qui ne tirait pas les cartes
L'autre homme de main essentiel d'Eliott Carver, c'est Henry Gupta. Essentiel et tué par ... Carver. Donc, pas si essentiel que ça.
Tout ce que l'on saura de lui, c'est qu'il se drogue - Bond retrouve un seringue et un paquet de cocaïne dans son coffre-fort - et qu'il est un génie du bidouillage informatique, souvent un mini ordinateur portable ou le décodeur, une boîte rouge recelant un système informatique de brouillage entre les mains. C'est une sorte de triste et pâle version du précédant Boris Grieshenko, barbu et aigri.
Alors que ce personnage eût pu être génial ! Si l'on regarde les scènes coupées, on s'aperçoit que Henry Gupta n'est pas juste un hacker bedonnant et grommelant. C'est aussi un nouvel Oddjob ! Oddjob est l'homme de main de Goldfinger dans le film du même nom, un coréen d'une force surhumaine qui se distingue en jouant du chapeau melon; aux bords tranchant pour décapiter ses ennemis, va sans dire. Le personnage tirait sa force d'Harold Sakata**dit **Tosh Togo, son interprète haltérophile récompensé aux J.O de 1948 et lutteur professionnel. Henri Gupta ne possède pas une telle force, c'est évidemment Herr Stamper qui en a hérité. Mais il dispose de cartes fines en acier tranchant qu'il manie à la perfection et qu'il peut au besoin lancer sur ses adversaires pour les blesser voire les tuer. Cette agilité avec les cartes, Gupta la doit à son interprète Ricky Jay (Flashforward ), plus connu en tant qu'illusionniste de génie, ce qui lui a valu plusieurs rôles de magiciens au cinéma et à la télévision tels que celui de Milton dans Le Prestige ou Maleeni le Prodigieux dans le huitième épisode de la septième saison de la série X-files. Cet Henry Gupta, lanceur de cartes tranchantes et tueuses, vous ne le verrez qu'à peine dans les scènes coupées, sauvées par le réalisateur qui tenait à les présenter en bonus. Gupta est également un méchant trop sous-exploité dans le film. Hélas, trois fois hélas !, dirait Eliott Carver.
Gifle Bond Girls
Si un volet des aventures de 007 peut briller par ses James Bond Girls, Demain ne meurt jamais reste là encore mitigé. L'une est une ex indécise de Bond mariée à Carver. L'autre est un agent chinois karatéka convoité par Bond et Carver.
Brennt Paris?
Fraîchement issue de la série Loïs and Clark qui l'a rendu célèbre, Teri Hatcher s'offre une escapade avec James Bond. Un nouveau point commun entre l'orphelin de Krypton et celui de Skyfall Lodge. C'est elle qui interprète la belle et élégante Paris Carver. Son jeu est excellent et va plus loin que celui de bien des James Bond Girls, repoussant les limites du non suggéré. Sorte de Desperate housewife longtemps avant l'heure, la réputation de ce personnage est néanmoins légèrement surfaite.
On dit de Paris qu'elle est la première James Bond Girl ayant déjà connu Bond auparavant. C'est inexact. Elle est la première à entrer en scène en tant qu'ancienne relation amoureuse de Bond sans jamais avoir été vue dans un film. Sylvia Trench, jouée par Eunice Gayson, est la première à apparaître comme une relation suivie du célèbre espion dans Docteur No et Bons Baisers de Russie.
Paris Carver serait aussi la première James Bond Girl à gifler 007. C'est là encore approximatif. S'il est vrai qu'elle retourne une gifle monumentale et anthologique à Bond, elle n'est pas la première à le faire puisque cette préséance revient à Helga Brandt, le N°11 du SPECTRE, campé par la délicieuse Karin Dor dans On ne vit que deux fois. Mais il n'en est pas moins vrai qu'elle est la première James Bond Girl pro-Bond à le faire et la première à lancer la mode: Sophie Marceau et Monica Bellucci suivront.
Paris Carver est quoiqu'il advienne l'une des James Bond Girl de second plan les plus travaillées de la saga EON.
Mettez un Tigre et un Dragon dans votre moteur
L'autre James Bond Girl, la principale du film, c'est Wai-Lin. Dans la veine de XXX, Holy Goodhead ou Jinx, Wai-Lin est un double féminin de James Bond. Mais ce n'est pas le plus réussi. Si elle cumule autant sinon plus de gadgets que lui, elle cumule aussi les cris de karatéka les plus risibles de l'Histoire et ce quelle qu'en soit la circonstance. Donner des coups de pied à un adversaire, tuer par rafale de balles des gardes de sécurité et même ... tirer sur un ordinateur? YAHA! WOUAH!!!! YAH!!!! La chose est si gênante que les scénaristes se sont même permis une critique, dans la bouche de Carver pour se prémunir de toute levée de bouclier: "Wah! Woh! Yah! OH! Pfff! Pathétique !". Dans ces passages du film, Wai-Lin est surtout une James Bond Girl qu'on désire ardemment gifler.
En réalité, les créateurs de la saga EON se sentent obligés de suivre le nouvel âge d'or des films de karaté et de samouraï dont Tigre et dragon, sorti en 2000 , est le plus célèbre exemple. Ils le font à contre-coeur, ce qui n'est jamais une bonne chose. D'où une Wai-Lin convaincante au début jusqu'à ce qu'elle renoue avec ses méthodes de karatéka absurdes. Une Wai-Lin qui devait revenir sur Meurs un autre jour mais qui fut remplacée par la plus sexy et plus vraisemblable Jinx d'Halle Berry. Qu'aurait pu être Demain ne meurt jamais avec Jinx?
Michelle Yeoh, plus jeune et plus belle que dans ses dernières apparitions (La Momie 3, Babylon A.D) ne donne pas là sa meilleure prestation. Sans doute parce que, bien que célèbre pour son rôle dans la saga Tigre et Dragon, elle offre un jeu plus intelligent et touchant à la fois dans un répertoire plus sérieux, plus film d'auteur. Sa Wai-Lin de Demain ne meurt jamais et sa Shu Lien de Tigre et Dragon n'arrivent pas à la cheville de sa Aung San Suu Kyi de The Lady.
Deux James Bond Girls inégales donc dont on se consolera avec la James Bond Girl discrète d'arrière-plan, le Pr Inga Bergstrom, jouée avec une langueur toute érotique par la belle danoise Cecilie Thomsen. On notera l'astuce de son patronyme en allusion au méchant de L'Espion qui m'aimait, Stromberg.
Hier ne meurt jamais
On a pu contester l'exotisme des destinations de Demain ne meurt jamais. Elles le sont.
Elles le sont moins pour qui a déjà vu Octopussy et L'Homme au pistolet d'or. Le dix-huitième volet des aventures de James Bond renoue avec Berlin et avec la Chine proche du Viêt-Nam, ce qui nuit à l'exotisme en son sens de destination "autre". Néanmoins, Berlin est réunifiée, ce qui n'est hélas pas mis en avant. Le film préfère établir un lien avec L'Homme au pistolet d'or, faisant passer le bateau de Bond et Wai-Lin au large de Phuket, l'île qui servait de repaire à Francisco Scaramanga. La référence est d'autant plus drôle numériquement que le 18e volet fait allusion au 9e volet. Mais tout cela n'est pas très neuf, parle à la nostalgie.
Pas plus neuf que l'allusion à Star Wars. En effet, lorsque Carver choisit un titre pour annoncer la guerre qui se prépare en mer de Chine, il opte pour The Empire will strike back, allusion évidente à L'Empire contre-attaque, le meilleur volet de la saga Star Wars. Demain ne meurt jamais s'inscrit donc dans ce long jeu de chat et de la souris entre les deux sagas, initié avec Moonraker où l'on fait allusion aux jedis, où l'on part dans l'espace se tirer dessus à coups de pistolets lasers, poursuivi avec Rien que pour vos yeux et Octopussy où Smithers, le collègue de Q est incarné par Jeremy Bulloch, l'interprète de Boba Fett et récemment entériné avec Le Réveil de la force où l'un des stormtroopers, JB-007, n'est autre que Daniel Craig, l'interprète de James Bond dans Spectre la même année. Demain ne meurt jamais suit d'ailleurs un Goldeneye qui s'ouvrait sur les entrepôts du Général Ourumov. Entrepôts dont les décors étaient placés au même endroit que le hangar à vaisseaux de La Menace Fantôme, un autre volet de Star Wars.
Cherchez encore plus loin dans le passé, en 1935, et vous trouverez un lien avec l'oeuvre d' Hitchcock, autre univers très convoqué chez 007 pour cette bonne raison qu'Alfred devait en réaliser un. En l'occurrence, il s'agit de l'une des pépites du Maître du suspens: Les 39 marches. Film d'espionnage, Les 39 marches met en scène un civil témoin du meurtre d'une espionne dont on l'accuse. Arrêté par celui qui s'avère le commanditaire, le jeune homme s'enfuit avec une jeune femme qui l'a dénoncé et qui est menottée à lui. Toute une partie du film les voit enchaînés l'un à l'autre, contraint de fuir ensemble. La légende veut aussi qu'Hitchie ait laissé ses deux vedettes, Robert Donat et Madeleine Caroll, menottés tout une nuit durant. Dans Demain ne meurt jamais, James Bond et Wai-Lin connaissent la même situation lorsqu'ils s'enfuit de la tour de télévision du groupe Carver. Ce qui occasionne l'une des meilleures scènes de course-poursuite de la saga ouverte par la scène d'anthologie où les deux espions se laissent glisser le long d'un portrait géant d'Eliott Carver. Ils doivent ensuite traverser la ville en moto poursuivi par un hélicoptère fou dans un ballet dantesque qui ne s'achèvera que dans une explosion phénoménale. Pendant toute cette folle course, ils sont menottés l'un à l'autre et doivent adapter leurs positions sur la moto de façon quasi acrobatique, ce qui donne également lieu à des sorties graveleuses qui aurait été jouissives si elles ne péchaient pas par leur simplicité. Un moment et un point très forts du films qui démontrent avec force combien Bond peut être bon lorsqu'il s'inspire d'Alfred Hitchcock.
Nos correspondants sur place: des caméos intéressants
C'est bien connu, les volets de James Bond sont à appréhender selon cette métaphore toute trouvée du champagne. Si Demain ne meurt jamais ne peut pas être considéré comme l'un des volets les plus excellents, il n'en reste pas moins une délicieuse cuvée où surgissent déjà quelques visages connus alors ignorés.
Parmi eux, un des marins du Devonshire, le bâtiment anglais que Stamper envoie par le fond. Aux commandes d'un poste d'observation, le jeune homme crie des informations au commandant qui décide d'évacuer le navire. Ce jeune homme convaincant quoique visible que dans ce caméo, c'est Gerard Butler, le futur Mike Banning de la saga La Chute de.
On peut noter un autre officier anonyme sur le Bedford, le navire qui vient sauver Bond, Wai-Lin et le monde en mettant un terme aux activité du bâtiment de Carver qui échappait aux radars. Cet officier n'est autre que Hugh Bonneville, acteur bien connu des inconditionnels de la série Downton Abbey dans laquelle il campe le personnage principal, Robert Grantham.
Ce dernier s'est aussi illustrer dans la saison 6 de la série Docteur Who dans le rôle du Capitaine pirate Avery, point commun avec l'Amiral Roebuck, un gradé en perpétuelle dispute avec M dans la cellule de crise gouvernementale, joué par Geoffrey Palmer, qu'on a pu retrouver dans le rôle du commandant suicidaire d'une réplique stellaire du Titanic dans la saison 4 de la même série. Ce n'est pas la première fois qu'un de ses personnages cherche à tenir tête à Judi Dench, car il est surtout connu pour la série As Time goes by où son personnage Lionel retrouve par hasard son amante Jean, le personnage de Judi Dench, quarante ans après leur séparation. Bond retrouve Paris, Roebuck retrouve M.
MI6 ou la vie sauvage
Mais voilà, ces retrouvailles ne se font pas sous les meilleures auspices car elles servent l'affirmation nouvelle de Judi Dench dans le rôle de M. Clairement féministe dans ce nouveau volet, M insiste à montrer qu'elle est une femme et qu'elle s'en sort mieux que les hommes. D'où une scène surréaliste dans différentes cellules de crise entre elle et l'Amiral Roebuck. Les deux en viennent à s'attaquer comme des collégiens sur leurs sexualités respectives et le Ministre de la Défense se voit contraint d'intervenir pour relancer posément le débat. Le film y perd en crédibilité, à force de donner dans la satisfaction du quota.
M se rattrape dans l'humour plus de bon ton qu'elle entretient avec Miss Moneypenny. Cette dernière est campée par une Samantha Bond plus à l'aise dans le rôle mais sans doute un brin plus candide que dans Goldeneye.
Le drame arrive avec Charles Robinson. Ce personnage, excellent dans les deux volets suivants, ne sert absolument à rien dans ce volet. Il se contente d'animer la scène pré-générique en contact avec Bond sur le terrain. Colin Salmon le joue à la perfection. Mais si Robinson, disposant alors d'un statut flou dans l'organigramme du MI6, s'avère par la suite un chef de la sécurité digne d'un James Bond noir, le rôle qu'il tient dans Demain ne meurt jamais n'est pas le sien. Rory Kinnear a récemment montré, par son jeu dans les volets qui suivent Casino Royale, combien ce rôle aurait dû échoir à Bill Tanner totalement éclipsé du film par ce "petit nouveau" qu'est Charles Robinson. C'est là une autre grosse erreur du film qui donne l'impression de sacrifier beaucoup trop au quota.
La bonne surprise qui atténue ce triste et amer constat, c'est le retour de Jack Wade, certes bien moins présent que dans Goldeneye. Toujours aussi drôle et typiquement américain, il parvient à faire oublier la chaise vide laissée par Félix Leiter après Permis de tuer. Joe Don Baker qui a trouvé son personnage s'en sort une fois encore à merveille.
American Bond is not James Bond
Jack Wade est américain dans chacune de ses apparitions; il plait plus qu'il ne gêne.
Mais il se retrouve noyé dans un volet de James Bond américanisé à mort, point le plus négatif du film. Le réalisateur Roger Spottiswoode, éminemment sympathique, défend bien ses choix dans le making-of du film. Des choix plus que louables et qui dénotent une bonne connaissance de l'esprit bondien. Le problème réside plus dans l'influence américaine de United Artists sur la MGM et sur EON. De surcroît, bien plus habitué aux films d'action basique, le réalisateur de l'excellente Randonnée pour un tueur mais aussi d'Arrête ou ma mère va tirer avec Sylvester Stallone ou plus récemment d'A l'aube du 6e jour avec Arnold Schwarzenegger a du mal à s'adapter à l'esprit bondien qu'il semble vénérer. Peut-être par manque de temps, sans doute à cause des conditions chaotiques de tournage. Demain ne meurt jamais apparaît comme un agréable miraculé d'un réalisateur qui a voulu bien faire et qui s'en tire non pas avec la palme mais avec les honneurs.
A la une et Petites annonces: le point fort et le point faible du film
"Félicitations pour votre conduite sans faute !"
L'incontestable plus de Demain ne meurt jamais, c'est sa voiture et les gadgets qui l'accompagnent. L'exploit est d'être parvenu à surprendre le spectateur de la même façon que l'Aston Martin a su surprendre en son temps. Aucun autre James Bond post-Tuer n'est pas jouer ne peut raisonnablement s'en prévaloir.
Aussi, voyons ce que la belle a sous le capot. Elle dispose de pneus capables de se regonfler lorsqu'ils ont été troués ou abîmés. Et comme on ne saurait penser à une telle option sans craindre d'en être victime, il va de soi que la BMW série 7 de 007 possède son propre réservoir à clous pour dégonfler les pneus averses. Elle dispose aussi d'une rangée de lance-missiles sur le toit et d'un logo BMW amovible muni d'une double micro-scie servant à couper les cordes et fils d'acier qui pourraient faire obstacles. Autant d'option au service d'une incroyable séquence où Bond affronte des ennemis en nombre et armés de lance-roquettes dans un parking ! De plus, option moins appréciée par Bond, une voix est intégrée pour conseiller le conducteur. "Lassen Sie nicht stören" (Ne vous laissez pas déranger littéralement, ne la laissez pas faire la loi, plus clairement), conclura Bond en la confiant à un voiturier.
Une voiture dont le seul défaut est de n'être pas une Aston Martin. Mais la Lotus esprit sous-marine en était-elle? Toutefois, il est vrai que le trop plein de BMW dans ce volet en particulier - voiture, moto) renforce une impression de mondialisation de l'esprit bondien qui fait perdre son cachet britannique à la saga.
Outre ce véhicule, Bond obtient de Q un téléphone portable lui permettant de conduire sa voiture à distance, de copier et scanner des empreintes digitales et de se défendre avec un système de sécurité envoyant une décharge de 20 000 volts.
Ces gadgets exceptionnels sont livrés à Bond par un Q toujours fidèle à lui-même qui, dans le film comme dans les making-of et teasers, permet à l'esprit bondien de percer sous l'influence américanisante ambiante. Un Q toujours incarné par le meilleur des Q de la saga, le Major Boothroyd de Desmond Llewelyn!
Tomorrow never knows
Le titre du film serait un clin d'oeil à la chanson Tomorrow never knows des Beatles, inscrivant le dix-huitième volet dans un énième runing gag lancé par Goldfinger. Vivre et laisser mourir a vu son générique interprété par un ex-Beatles, Paul McCartney et l'Agent Strawberry Fields de Quantum of solace fera référence à une chanson du même nom du répertoire des Beatles.
Là n'est pas le point faible du film.
Son réel point faible est le choix de son générique de début de film. Car la musique de Moby, l'arrière-arrière-arrière grand-neveu d'Hermann Melville, est un excellent fond et sa reprise du main title extrait de Docteur No est en totale adéquation avec les scènes d'action. Elle complète idéalement celle de David Arnold. Celle de Kd Lang, Surrender, en plus de respecter tous les codes bondiens, est excellente. Alors pourquoi privilégier celle de Sheryl Crow dont les seuls avantage sont de reprendre le titre et de faire écho à une réplique de Paris Carver? Probablement parce que celle-ci a rapporté au film plusieurs menues récompenses. Il n'en demeure pas moins que Tomorrow never dies de Sheryl Crow est une chanson assez lente, assez soporiphique, qui aurait eu une meilleur place en film de film pour faire retomber la tension plutôt qu'en début de film où elle assomme le spectateur. Surrender, réutilisée à outrance à la télévision, emporte plus le suffrage et aurait ouvert le film de façon plus dynamique, avec bien plus de force qu'en fin de film où l'on se demande pourquoi le film regagne tout d'un coup en intensité. A l'appui de ce ressenti de spectateur, le choix de la musique de Surrender en fond de film dès le pré-générique. Ce choix des chansons, cette hiérarchie des chansons est comme le diagnostique de ce qui tire Demain ne meurt jamais vers le bas.
Le Commandeur James Bond 007
Le retour d'un Pierce Brosnan encore frais et tout à son jeu est l'un des atouts majeurs du film. Et ce même si ses soupirs censés lui conférer classe et élégance commencent pour devenir chroniques sur les volets suivants.
En 1997, la saga EON fête ses 35 ans et décide de les célébrer avec une intrigue qui mêle On ne vit que deux fois - un navire furtif s'attaque à deux flottes pour les faire entrer en guerre - et Opération tonnerre - l'Histoire se passe en mer, on vole des missiles et 007 ne dispose que de 48 heures pour stopper Carver. La presse de cette époque, de même qu'un grand nombre de produits marchands se ré-emparent d'ailleurs du mythique Opération tonnerre, jusqu'aux poupées Action Man qui proposait un personnage en costard et un personnage vêtu comme Sean Connery pour sa tenue de plongée.
Occasion pour la saga de rappeler ce que Timothy Dalton avait fait oublier. James Bond est Commandeur dans la Marine britannique et il est touché à plus d'un titre par les affaires se déroulant en mer. Cela le rapproche de son collègues John Steed qui, dans la série Chapeau Melon et Bottes de cuir, est présenté comme un gradé de l'armée de l'air.
Brosnan épate en uniforme de Commandeur et donne une classe nouvelle à son interprétation du célèbre espion.
Il est toujours bon de rappeler cette facette du personnage de James Bond.
Seule ombre à ce tableau, l'espèce de mécanisme qui se met en place dans Dangereusement vôtre pour venir figer l'interprétation que Brosnan fait de Bond dans ses deux autres volets. Un mécanisme à l'image de sa réplique rémanente "On finira tout cela en duo" qui finit par entendre sa critique toute méritée là encore de la bouche de Carver: "Vous rendez-vous compte que vous êtes dans l'absurdité totale?"
Ne jamais remettre à Demain ce qui doit être fait
Demain ne meurt jamais est un excellent James Bond resté inachevé faute de temps et d'un tournage chaotique qui l'a amené à faire des choix absurdes qui font décroître ses qualités.
Un volet qui fait défaut, par trop commercial et trop américanisé, mondialisé.
Très appréciable au premier visionnage, il perd souvent dans les suivants quand d'autres volets réitère le plaisir initial - Goldfinger - et que d'autres réinterroge toujours note attente de d'une aventure de 007 - Les Diamants sont éternels ou L'Homme au pistolet d'or.
Demain, il faudra que Bond se fasse plus anglais que jamais pour ne pas mourir.