Après son superbe "Dallas Buyers Club" (2014), Jean-Marc Vallée, réalisateur canadien, revient en 2016 avec un nouveau film, "Demolition", traitant également d'un autre sujet délicat, qu'est le deuil.


Davis Mitchell vient de perdre sa femme, Julia, décédée tragiquement dans un accident de voiture au sein duquel il a lui-même miraculeusement survécu sans blessures... ou du moins sans blessure physique. Car un mal être profond nait en lui : totalement perdu, il remet en cause toute sa vie, aussi bien actuelle que passée. Etait-il amoureux de sa femme ? En avait-il quelque chose à faire de son mariage ? Toutes ces questions l'emmènent à développer une nouvelle passion, pour la destruction... Par ailleurs, il rencontre par hasard une jeune femme, Karen Moreno, qui sera peut être la source de sa reconstruction...


Jean-Marc Vallée traite avec une grande originalité le thème de la mort, et plus particulièrement du deuil, notamment le fait de devenir veuf. Son personnage principal remet toute sa vie en question, et pour lui, tout n'est plus que mystère, tout n'est plus que questionnement, il ne sait plus rien de lui-même. Et de fait, ne sachant plus rien de ce qu'il ressent, au plus profond de lui, il s'interroge sur la manière dont sont confectionnés les objets, d'où sa nouvelle passion pour la destruction. Ainsi il va totalement détruire un réfrigérateur, une machine à café, un ordinateur, des portes...
Cela donne lieu à quelques scènes très intéressantes, par exemple lorsqu'il se trouve dans un aéroport, et se demande longuement ce qu'il y'a dans chaque valise de chaque voyageur ; lorsqu'il marche dans la rue alors que tous les autres personnages reculent, ce qui montre son opposition aux autres à ce stade de sa vie ; ou encore lorsqu'il engage toute une procédure contre une société à cause d'un paquet de M&M's coincé dans un distributeur... ce qui l'amène à faire la connaissance de Karen.


Le film a cet avantage non négligeable, par son originalité, d'éviter de tomber dans le cliché. On pourrait penser que cette rencontre avec Karen signifierait simplement qu'il retomberait amoureux et oublierait sa femme, mais les choses sont bien plus subtiles que cela, le film évite la facilité, et préfère la subtilité et la lenteur du récit. Se remettre de la mort d'autrui, surtout d'une personne aussi proche qu'est sa femme, prend du temps. Chacun réagit à sa manière. De plus, Davis se lie d'amitié avec le jeune fils de Karen, qui va également d'une certaine manière lui redonner gout à la vie, notamment grâce au décalage vis-à-vis des autres que ressentent Chris et Davis. Chris va d'ailleurs apporter du réconfort à Davis avec la musique, qui est très importante dans le film, avec une très belle bande sonore, aussi bien originale (menée par David Campbell) qu'empruntée ("Crazy on you", "Touch me I am going to scream" et surtout "La Bohème" du regretté Charles Aznavour).
Le film propose ainsi quelques belles scènes symboliques, notamment une scène avec un manège qui revient plusieurs fois pendant le film


Le film est porté par un excellent casting. Jake Gyllenhaal, qui avait récemment joué des personnages très sombres (notamment dans "Prisoners" et "Enemy", réalisés par Denis Villeneuve, ou encore "Nightcall" de Dan Gilroy), joue un personnage un peu plus loufoque et cela lui va très bien. Naomi Watts (qui interprète Karen) est toujours aussi surprenante et juste dans ses rôles. Tous les seconds rôles assurent également.


Au niveau de la mise en scène, le film est intéressant sur certains choix, notamment sa volonté de tout montrer du point de vue de Davis, notamment l'accident de voiture du début, au sein duquel on ne voit pas sa femme, ou alors à peine quelques secondes, ce qui montre à quel point déjà, à ce moment là, elle est exclue de la vie de Davis. Il y'a notamment certaines scènes superbes, dont la mention a déjà été faite. La musique est également bien choisie.


"Demolition" est un film très intéressant, il traite courageusement et originalement de la question du deuil, passage terrible de la vie par lequel on passe tous. Il est vrai qu'on réagit tous différemment, parfois bizarrement, mais ce sont des émotions personnelles, et parfois, on ressent un sentiment de destruction intérieure... Alors certes, on est détruit, on veut tout détruire... mais ensuite, on fait notre deuil, on se reconstruit. C'est ainsi que va la vie, en plusieurs étapes : tout détruire, pour mieux se reconstruire.

HugoDe_Ranter
8
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le 6 avr. 2021

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Hugo De Ranter

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