Si vous cherchez Marco Brambilla, vous le trouverez davantage au MOMA qu’à Hollywood. Parce qu’il faut bien vivre, celui-ci a commencé par la pub puis s’est retrouvé là, à filmer Stalone. Pas sûr que l’expérience lui ait plu vu que c’est son seul long-métrage. Il est depuis revenu à ses premières amours, la vidéo. Son site est d’ailleurs assez fun. Reste que Demolition Man est une réussite à retardement assez exemplaire.
Ça commence dans les années 1990 où tout n’est que chaos. Les gangs ont pris le pouvoir et les méthodes du flic Spartan sont aussi efficaces que contestées. A la suite d’une bévue, lui et son adversaire sont condamnés à la cryogénisation pendant plusieurs décennies. En 2032, le vilain Phoenix parvient à s’échapper et il faut donc décongeler Spartan pour le coffrer à nouveau. Sauf que dans le monde aseptisé de 2032, leur violence et leur grossièreté font tache.
En voilà un pitch qui donne envie ! Il faut se rappeler le contexte, on est en pleine période des films d’action de bourrins, Stalone en pleine gloire est déjà caricaturé et Snipes bastonne à tout va. Sur le papier, le projet ressemble donc à un film bas de plafond. Ce qu’il n’est en fait pas. Il y a d’abord le ton. Il y a cet humour à la fois potache et irrévérencieux qui parcourt l’ensemble du film. On aimera toutes ces petites blagounettes et ces gags sur le voyage dans le temps, source inépuisable de quiproquos. On notera aussi ce regard acéré sur la création d’une société totalitaire gérée par un gourou PDG technophile qui, pour le bien de tous, a banni la violence et dans le même coup toute liberté. La logique hygiéniste est poussée ici à son extrême. Ceux qui n’acceptent pas ce contrat vivent sous terre et se nourrissent de rats. On retrouve donc un des thèmes de prédilection de la SF d’anticipation, traité ici avec toute la légèreté de la subversion soft du cinéma de divertissement. N’empêche que 30 ans plus tard, certaines paroles ou situations feront écho au monde actuel. Pour ce qui est de la narration, pas d’accroc ni de temps mort, tout est diablement efficace. Idem à l’interprétation au petits oignons, d’autant que retrouver Bullock est toujours un plaisir. Les scènes de baston sont bien menées et cognent à l’ancienne (comprendre sans chorégraphie matrixienne).
En clair, on tient là un petit bijou de simplicité et de malice, un bout de cinéma qui n’existe plus vraiment sous cette forme, une pièce qui prend de la valeur avec le temps et dont il faut savoir apprécier l’intelligence.