Korean rapsodie
En 2013, lorsque Bong Joon-Ho et Park Chan-Wook avaient traversé le Pacifique pour rejoindre l'usine à mauvais rêve Hollywoodienne, on craignit alors un occidentalisation décevante des meilleurs...
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le 29 août 2016
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Quand je mate un film de zombies non parodique moderne, j'ai de nombreuses occasions de soupirer. C'est un genre assez codifié et le nombre d'histoires faisant intervenir ces charmants punching-ball est tel que j'avais l'impression de tourner un peu en rond. Le gars qui cache sa morsure, le zombie qui sort du placard, le meilleur ami contaminé qui hurle de l'achever alors que le héros pleure en disant que c'est trop dur... Après il y a aussi une utilisation sociale de ces vilains putréfiés, elle a souvent été intéressante mais elle a aussi souvent été redondante avec des œuvres antérieures. Il suffit ainsi qu'un film de zombies fasse moins de recyclage que d'habitude pour faire notre bonheur, et il faut dire que ce Dernier train pour Busan ne manque pas de ressources.
Déjà c'est un film en huis-clos, confiné dans un train qui part pile au moment de l'arrivée des zombies. Pas le train de Snowpiercer qui simulait une ville, un vrai TGV avec ses couloirs étroits où il est facile de s'entasser en cas de fuite précipitée. Cet espace réduit est bien utilisé et rend les confrontations assez viscérales puisqu'il n'y a pas assez d'espace pour éloigner les zombies les uns des autres, la claustrophobie n'est jamais loin. L'inconvénient de cet environnement est qu'il est répétitif par nature, mais le réalisateur se débrouille de belle manière pour varier les situations. Vous aurez quand même quelques passages qui se ressemblent, mais dans l'ensemble c'est bien trouvé. Je n'avais pas l'impression devant le film de regarder une succession de déjà-vu, il a son identité et offre de très bonnes séquences.
Le film n'est donc pas une parodie, ce qui ne l'empêche pas d'insérer un humour de bon aloi sans virer à la tentative de coolitude. Le moment clé des films de zombies, celui où la menace se manifeste enfin, est bien géré : presque pas de musique, successions discrètes d'anomalies que les personnages ne comprennent pas, attaque chaotique : ce n'est pas de l'innovation mais notre attention est totale, malgré une intro qui peinait à rendre ses personnages attachants. Les scènes d'action fonctionnent très bien, particulièrement parce que les personnages ne sont pas représentés comme surhumains. Malgré une séquence badass "on est 3 mais on va les niquer", les scènes ne versent pas dans l'exagération des exploits et ça contribue bien à leur intensité. Big up à la fin qui se montre très inventive dans son utilisation de l'espace et qui offre des images à forte portée évocatrice.
On ne peut pas parler d'un film de zombies sans parler de la question qui déterminera son public : quid de la violence ? Trop édulcoré ou trop gore ? Eh bien ni l'un ni l'autre, on a ici un bon équilibre. Il y a du sang partout, tout le train témoigne du massacre qui a eu lieu et de la violence dont les personnages ont dû faire preuve pour survivre. On n'a pas l'impression d'un survival trop propre pour être vrai. Mais le film ne cherche pas pour autant à verser dans le gore pour choquer et ménage les plus sensibles. Vous ne verrez pas les tripes se répandre par terre, vous ne verrez pas les zombies arracher à pleines dents la chair de leur victime. Il manque sans doute un bruitage plus éloquent pour signifier que quelqu'un se fait dévorer, là on pourrait aussi bien croire qu'il se fait chatouiller par une bande de farceurs qui le submergent et ça nuit un peu au feedback. Vous ne verrez pas non plus l'intérieur d'un quelconque crâne éclaté, et ce dernier point est très révélateur. Traditionnellement, le seul moyen de tuer un zombie est de lui éclater la tête. C'est un feedback éloquent : la tête explose, on ressent que l'ennemi est vaincu et ne se relèvera plus. Ici les crânes n'explosent pourtant pas. Pourquoi ? Parce que les personnages ont une force simplement humaine, et qu'elle n'est pas suffisante pour éclater une tête en un seul coup de batte. C'est logique, mais l'industrie cinématographique a tendance à nous le faire oublier. Et ça exprime la manière dont les personnages affrontent les zombies : ils ne peuvent pas s'acharner sur eux un par un pour leur exploser la tête, et de toute façon ce n'est pas leur objectif. Leur objectif c'est de fuir pour se mettre en sécurité, et pour ça ils ne tuent pas les zombies mais les repoussent. Donc on ne perd pas de temps à s'acharner contre un zombie puisque le nettoyage d'une zone n'est pas une option et qu'il n'y a pas d'arme à feu.
Pour continuer à parler des zombies, je les trouve eux-mêmes bien exploités. Le réalisateur utilise certaines de leurs caractéristiques bien trop souvent oubliées, c'est tout bête mais ça fait plaisir de voir les gens qui se défendent autrement qu'en y allant comme des bourrins. Par contre la façon de se mouvoir des putréfiés n'est pas saisissante : leurs claquements de mâchoire sont un peu grotesques et ne m'ont pas tétanisé. Mais leur course de foule compacte fait son effet.
Il faudrait quand même mentionner les personnages, et le bat blesse un peu. Le duo père-fille principal n'est pas fantastique et les relations entre les divers personnages ne sont pas très développées. On a malgré tout quelques caractères bien trempés qui attirent la sympathie et personne n'est insupportable. La portée socio-politique est bien légère, mais malgré tout présente sans se montrer envahissante. Il y a un détail qui m'a plu : le conducteur du train qui fait son boulot sans vraiment changer ses habitudes malgré l'apocalypse. Comme si la fin de tout ne devait pas l'empêcher d'accomplir ses devoirs du quotidien. Cela pourrait paraître cocasse mais c'est parfaitement justifié par la situation qui exige un conducteur. Et j'ai trouvé qu'il y avait quelque chose de touchant à le voir s'atteler consciencieusement à sa tâche dans un tel contexte, alors que la civilisation semble déjà disparue.
Le film a quand même quelques défauts. Il présente des fautes de goûts, principalement des scènes violoneuses pénibles. Il y a quelques lieux communs auxquels on n'échappe pas et qui ne provoquent en fait aucune émotion. Il y a aussi des petites facilités scénaristiques et un personnage qui provoque trop souvent le même événement vers la fin. Il y a quelques moments un peu mous, mais heureusement assez courts. Mais tout cela n'est pas très grave. Le voyage était très prenant et le film constitue un excellent divertissement, ni con ni excessif dans l'action.
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le 18 août 2016
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le 18 août 2016
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