Il faut s'en rendre compte, regarder Arte aujourd'hui est une insulte banalisée dans tous les milieux. De gauche à droite, caviar ou entrepreneurs, bobos, artistes ou aristo, ça n'paye plus d'allumer le poste pour la chaine collabo. Il y n'a encore que dans des cercles culturés qu'on ose encore dire, que tiens, hier soir, grâce au formidable service Arte +7 (qui permet de revoir un programme jusqu'à sept jours après sa première diffusion, toi le chalant qui te posait la question) j'ai eu la chance de voir un formidable documentaire non sur les papous en pagne chassant l'écureuil par un matin pluvieux ni un documentaire tout de même propaguandeux sur les Länder de Rhénamie et leurs sublimes forêts noires mais un petit film sur un élément de la contre-culture comme seul Arte sait les diffuser -s'étant fait spécialiste depuis que d'autres médias audiovisuels ont oublié le sens des termes "culture" et Lord Jésus Christ, de "contre-culture" Amen.

Revenant personnellement d'un séjour à Berlin, sensibilisé -tristement certes mais passons- à la cause teutonne et fin amateur de planche à roulette que je suis, c'est donc naturellement que mon attention fut captée par ce titre: "Skate made in RDA". Il y avait du skate en RDA vous dites? Ça devait être folklo non? Ce documentaire est très intéressant, et très bien ficelé. Il mérite amplement les louanges faites à droite à gauche. Il revient bien naturellement sur l'image que donnait la RDA, celle qu'elle imposait à ses citoyens libres et cette volonté toute communiste de jouer la compétition interne puis internationale avec ses athlètes batis comme des murs. Dans cette bulle (la moitié du globe plus ou moins) coupée des tendances de l'ennemi impérialiste, on assistait donc à la naissance d'un courant de contre culture, initié avec la breakdance (et le hipitihop, mais bon, ils grattaient toujours quelques années de retard à l'ombre de la Fernsehturm -la célèbre antenne qui trône sur Alexanderplatz). Ces deux mouvements, loins d'être liés à la naissance (la planche à roulette provenant plus de la West Coast et de la culture surf), incarnent pourtant la protestation à défaut d'une classe, d'une catégorie de la population. C'est ainsi qu'on assiste aux prémices de la contestation, tant bien que mal tentée d'être canalisée par la Stasi et les services de la DDR (on assiste quand même à une reconnaissance de la pratique de la planche à roulette comme un sport, chose qui n'est pas acquise encore aujourd'hui) et le moment amusant est celui de la grande compétition internationale aux frontières des blocs (à Prague, je vous spoil oui) où même Mark Gonzales (El Gonz) a fait le déplacement et où la crème des skateurs se donnent à fond quand les Allemands de l'Est ont l'air bien cons parce qu'ils ont jamais roulés sur de tels équipements malgré tous les efforts mis en place par leur patrie toute puissante.

Bref, c'est très intéressant tout ça, mais c'est étudié sous le témoignage des pionniers du milieu de l'époque. Aujourd'hui, messieurs et dames rangés, je me méfie toujours des documentaires qui me disent: "Fils, c'étaient les premiers à le faire" et ma crainte s'évanouit quand je comprends que ça n'a pas d'importance ici. Une bande qui revient donc sur son passé à l'occasion de la disparition d'un des leurs pendant le conflit en Afghanistan (j'adore ce traitement des skateurs sur ses camarades militaires: "ils ne peuvent pas comprendre qui il était", non ils sont trop bêtes pour comprendre c'est vrai, ils ne font qu'obéir à des ordres), lui qui n'avait plus donné de nouvelles depuis la chute du Maueur avait fini dans l'armée après un long séjour à l'ombre. Si c'est pas malheureux. Et c'est là tout l'ampleur du portrait auquel on a affaire en fin de compte, car même si le sujet est le développement d'un mouvement contestataire qui a d'une manière ou d'une autre aboutit à la Chute du Mur, sous-jacent à cela, il y a cette jeunesse qui était livrée à elle-même qui n'est dès lors devenue que l'ombre d'elle-même. Dès lors qu'il n'y eu plus rien à contester, il n'y eut plus de contestataires, alors de quoi s'étonne-t-on sur le sort de chacun? Qui aurait pu prédire que le mec qui refusait toute autorité allait l'asseoir à l'étranger avec des armes? Qu'est-ce que l'Allemagne est devenue? Une bande de vieux copains qui repensent au bon vieux temps de la RDA en lampant une Pilsner un week-end. C'est une question que je me pose quand je vois deux skateurs à Frankfurter Tor, non loin de leur cajette de bibine. Elle est là maintenant la contre-culture, dans des planches de bois à 150 balles et du liquide pour faire passer l'addition. Vous me direz, ça tient chaud l'hiver, et les planches ça fait un beau feu. Je vous dirai que vous avez raison, comme toujours.
Albion
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le 29 sept. 2013

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Albion

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