En 1920, sous la prohibition, le comté de Franklin est rempli de bootleegers fabriquant leur propre alcool. Ici, on s'arrange avec la loi et on s'achète de la gnôle entre voisins. Parmi eux, les inflexibles frères Bondurant qui entendent gérer eux-mêmes leur affaire. Mais un nouvel agent nommé Roarkes, beaucoup moins arrangeant, débarque en ville afin de faire cesser le trafic. Les Bondurant tiennent tête.
Planquez la gnôle, sortez les sulfateuses, le film de gangsters est de retour ! Quelques mois avant la sortie de Gangster squad (obligé de retourner des scènes suite à la tuerie d'Aurora), Des hommes sans loi se charge de faire parler la poudre et la picole sur nos écrans. Mis en scène par l'artisan John Hillcoat, scénarisé par le musicien Nick Cave et porté par le poupin Shia Labeouf, l'ultra-charismatique Tom Hardy et la jolie Jessica Chastaing, on voyait déjà Lawless laisser son empreinte dans le genre. Soyons francs, ça ne risque pas d'être le cas pour de nombreuses raisons mais il n'empéche qu'on se trouve là face à un bon petit film !
Adapté du livre de Matt Bondurant, Des hommes sans loi raconte l'histoire vraie (mais romancée) de ses aieux, les frères Bondurant, et de leur commerce d'alcool durant la prohibition. Un commerce si florissant qu'il impliqua, à terme, flics et gangsters. Sur le papier donc, du classique à caution authentique qui promet son lot de réglements de comptes, trahisons et romances contrariées. Promesses tenues, Des hommes sans loi se révèle un film de genre hautement fréquentable. Bien joué, bien filmé, bien ficelé, rythmé, le film remplit son contrat en offrant l'oeuvre élégante et violente attendue, aussi déférente envers les grands classiques investis que moderne dans sa belle fabrication. Voilà...à la semaine prochaine les copains ! Bon ok, si vous y tenez je poursuis...
Le drame de Des hommes sans loi, c'est justement de n'être QUE bon. De la rencontre de tous ces talents, on attendait autre chose qu'un simple film appliqué de bon éléve (avouons-le, on attendait une future référence du genre). Il faut malheureusement se contenter ici d'un résultat gentiment académique avec ce que ça comporte de bonnes et de mauvaises choses. En cela, si la qualité est présente et le film très plaisant, Des hommes sans loi manque clairement d'un regard, d'une vision ou d'une âme plus simplement. Quid d'un parrallèle entre les époques, d'une parabole sur l'amérique et ses mythes, de thématiques profondes lézardant les images ? John Hillcoat n'est certes pas un manchot mais ce n'est pas un metteur en scène affirmé non plus. Comme pour son adaptation scolaire de La route, l'australien ne met sa réalisation qu'au service unique de l'histoire mais emballe rarement un propos, n'extrapole jamais à partir de ces photogrammes. Être un cinéaste de l'école narrative n'est pas une tare, au contraire la plupart des grands réalisateurs y appartiennent. Mais Hillcoat n'est pas Spielberg et l'ensemble trouve vite ses limites, notamment dans le peu d'épaisseur des personnages et une certaine sécheresse émotionnelle.
Sur ces derniers points, Hillcoat n'est peut-être pas le seul à blamer puisque il apparait vite que le script, mécanique mais efficace, n'offre pas grand chose à ses personnages. Chacun (bon, sauf un dont on reparlera) est intéressant, charismatique et attachant mais aucun n'évolue vraiment au fil du récit. On peut trouver ça couillu étant donné que le film parle d'hommes qui ne veulent pas évoluer ou changer mais au cinéma, l'immobilisme paye rarement. Ainsi, chaque début de piste pouvant permettre le développement d'un personnage est avortée au profit de l'avancée de l'intrigue. D'où des héros unilatéraux, parfois fantomatiques (les personnages de Gary Oldman ou Jason Clarke), seulement mus par les rebondissements d'une histoire qui met déjà une bonne demi-heure à se mettre en place. Heureusement que le casting assure et permet de faire poindre un peu d'émotion et de psychologie sur ce qui reste des figures codées du genre utilisées comme telles.
Mais le gros point noir du film est et restera Roarkes, l'antagoniste principal joué par Guy Pearce. En roue libre, hystérique, l'acteur joue une espèce de nazillon racé au look improbable. Une véritable compile des méchants les plus caricaturaux de la pop-culture. C'est simple, même ses collaborateurs ne l'aiment pas mais il arrive quand même à emmerder tout un comté tout seul. Un personnage repoussoir à l'extrème, cliché, complétement à contretemps du film et du reste du casting mais légérement fascinant par l'improbabilité de sa présence. Roarkes, c'est un peu comme si Dark Vador débarquait en plein milieu des Sept mercenaires. Une curiosité dont on se serait bien passé mais que l'acteur et le réalisateur assument complétement... Après tout, c'est votre film les mecs...
Bref, avec Des hommes sans loi, on est plus proches d'un film d'exploitation que d'un grand classique comme Les incorruptibles mais il serait idiot de bouder son plaisir. Après la déception Public enemies, entendre à nouveau une Thompson fait un bien fou et le classisisme charmant, la modestie du film et son joli équilibre (action séche, romance touchante,...) emportent vraiment le morceau. Violent et élégant, rythmé mais un peu creux, pétri de petits défauts mais soucieux du travail bien fait, Des hommes sans loi n'a peut-être pas de grandes ambitions mais il remplit impeccablement son contrat. Et ça, comme direz surement Capone : "C'est bien les petits gars !".