La prohibition a fait couler beaucoup d'encre et surement autant de pellicule. Le genre a été vu et revu au point d'accoucher récemment de pathétiques navets comme Public Enemies en 2009. Mais l'histoire des frères Bondurant, fabriquant de l'alcool illégalement dans les collines, nous sort des villes, de Chicago et des histoires de gangsters aux mitraillettes à camemberts. Ici, nous sommes en pleine campagne, le décor change donc, mais pas seulement lui, la forme le suit et ce film se transforme en quelques secondes en Western. Du genre très codifié du film de cow-boys, Des hommes sans loi s’empare des ficelles et l'on se retrouve face à une structure scénaristique et un découpage technique très proches d'un Sergio Leone. Par ailleurs, il faut souligner que Hillcoat sait filmer les visages avec un réel talent qui souligne la prestation magistrale de Tom Hardy.
Le scénario met en scène 3 frères : Forrest l'ainé, joué par Tom Hardy, un solide gaillard qui dirige l'affaire de fabrication de gnôle avec sérieux et qui croit à une légende qui dit que les 3 enfants Bondurant sont immortels ; Howard, une brute ivrogne qui sert de couteau à son frère et enfin le cadet Jack interprété par Shia LaBoeuf, un jeune homme qui rêve de vivre une histoire de gangsters et qui veut à tout prix participer au commerce de ses frères. Un grand méchant survient, icône de l'ordre et de la morale corrompue qui excelle dans la cruauté et l'orgueil, une image soignée qui n'est pas sans rappeler le grand méchant du Cinquième Élément de Besson, joué par Gary Oldman. En parlant de Gary, la bande annonce des hommes sans loi nous le vendait comme personnage principal du film et je dois avouer ma déception de ne le voir que trop peu, dans un rôle presque inutile (malgré le talent remarquable de l'acteur qui campe un mafieux charismatique). Shia LaBoeuf quant à lui est bon, mais on pouvait s'attendre à mieux compte tenu du personnage...
Hillcoat va nous mettre face à la violence, que ce soit devant des passages à tabac, de tortures, de meurtres ou d'égorgement. Cependant, c'est plus la violence de la mise en scène qui nous lève le coeur, à l'image, le réalisateur garde une certaine retenue qui nous donne suffisamment à voir pour comprendre et imaginer. L'image est rarement crue et ne s'attarde pas sur le choquant. Je tiens à saluer la façon dont l'histoire d'amour entre Forrest et sa serveuse est filmée, toute en pudeur avec une pointe d'érotisme sans tomber dans « l'érotique américain » que nous donne à voir certaine série comme Games of Thrones ou Homeland (pour ne citer qu'elles) depuis quelques années. Dans cet « érotisme américain », la caméra va souvent montrer l'acte de façon sensuelle, mais en montrant ce que l'on préfère imaginer... Ici, point de cris, de râles ou de secousses libidineuses, mais seulement des caresses et une caméra très mobile qui ne dévoile pas l'essentiel. Enfin, un bémol pour le réalisateur qui cherche parfois à faire des beaux plans de coupe. Mais en se concentrant sur la composition, l'image, etc, il en oublie la fluidité et le montage, ce qui nous fait quitter l'immersion dans l'histoire par un « oh le beau plan ! ». L'intelligence de la forme n'est pas assez homogène mais c'est seulement un détail qui ne noircit pas l'originalité et la qualité du film.
Pour conclure, si vous aimez les westerns, les films de gangster ou si simplement vous voulez voir un bon film qui vous donne de l'espoir dans cette rentrée morose, courez voir Des hommes sans loi de Hillcoat.