PPP, j'ai toujours un peu peur d'aborder son oeuvre, peur de passer à côté d'un art que je sais riche, que je sais proche de mes propres questionnements. Des oiseaux petits et grands/gros, c'est le début de l'oeuvre de PPP et que l'on soit philosophe ou cinéaste, il y a plein de choses à en tirer, c'est riche et ça résiste évidemment à un second visionnage.
Pour les philosophes tout d'abord, parce que le film n'est que succession (nous y reviendrons) de questionnements philosophiques. Tout d'abord, la politique, bien évidemment, avec ce corbeau marxiste qui enseigne des leçons de morale (la première moitié du film est dédiée à une histoire sur la religion géniale: les hommes veulent convertir les oiseaux à dieu mais eux ne savent ce que c'est, ils y parviendront en sautillant sur place, en remuant des ailes et en leur parlant d'un messie, venu leur apporter à manger et une solution pour sortir de l'inégalité des classes), de politique et bien d'autres. Puis la construction du film contribue à lui donner de la profondeur, ce qui n'était pas gagné d'avance. Parce que si la bonne première moitié du film est consacrée à peu de choses (une exposition, quelques scènes de chemin parcouru par le père, le fils et le corbeau rappelant un peu Socrate et un long flashback), la seconde vient illustrer le conflit entre théorie et pratique (faisant drôlement écho à ma lecture de l'ouvrage éponyme de Kant). Parce qu'on a beau avoir plein d'idées marxistes et constater que la moitié de l'humanité meurt de faim, le discours ne résiste pas à la fatalité du monde pratique dans lequel le père a 18 enfants, regrette que son plus intelligent devienne moine, assiste à un accouchement et se fasse arnaquer par ces gens là, doive régler son loyer à un propriétaire....
Mais si le film n'est pas philosophique qu'en surface, c'est bien sûr pour cet usage si brillant des outils cinématographiques. La musique d'une part, dirigée par Ennio Morricone, rien de plus à ajouter, c'est génial et si vous ne me croyez pas, les deux premières minutes du film suffiront à vous convaincre: pas de générique chiant comme la pluie venant parasiter la diégèse du film, ici on chante les participants à l'oeuvre du film, on lui donne un côté fable légitime et vivant. Mais le sens cinématographique d'autre part est partout: le comique (papa qui cache les yeux à l'enfant pour pas qu'il regarde la femme accoucher, les deux qui vont faire semblant de chier dans le champ pour voir Lune, la scène ou ils se font tirer dessus....), tout comme la gestion des personnages, avec ce corbeau dont on aimerait un biopic quoi!
Seul point faible du film: j'aurais préféré plus de scènes à la Socrate avec ce corbeau et ces deux personnages qui marchent et font leur vie, c'était vraiment super cool ces moments... et parfois il y a des scènes que je n'ai pas vraiment comprises ou dont je me demande ce qu'elles apportent au récit. Ou bien c'est une raison pour revoir ce film un jour...