A force with no name.
Le désert, des migrants mexicains, un texan psychopathe bien décidé à régler le problème de la porosité des frontières à sa manière : le scénario de Desierto tient sur l’épine d’un cactus...
le 6 nov. 2016
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Un désert, des clandestins, un tueur fou, et pourtant si peu de possibilités. Thriller aux jolis panoramas, Desierto permet à Jonas Curaon, fils d'Alfonso, de revenir à la réalisation après Año Uña en 2007. Second essai en demi-teinte.
En plein désert au sud de la Californie, un groupe de mexicains fuit son pays pour tenter de pénétrer le sol américain. Tous aspirant à une vie à une vie meilleure, ils sont prêts à tout pour vivre l'american dream. Marche interminable, chaleur étouffante, ou serpents comme comparses de route, tout est là pour les accabler. Mais c'est alors que dans cette randonnée de l'extrême, des balles s'en mêlent, pour unique but de transformer leur cheminement vers la liberté en destinée mortuaire. Au bout du fusil, un vrai redneck frustré dont la chasse aux mexicains semble être une passion quotidienne. Avec son chien, Tracker, ils forment un duo 100% démoniaque. Les premières détonations déclenchent une pluie de morts, puis quatre hommes et une femme restent. Commence alors une traque, dont l'issue est censée nous tenir en haleine tout du long.
D'un point de vue formel, Desierto est une réussite. L'immensité du désert est sublimée par la photographie du film. Tous les plans sont travaillés, les champs de cactus, les montagnes rocheuses, les couchés de soleil, etc, la nature détient le rôle principal du film. Cette succession de plans sciemment étudiés, dresse une mécanique un peu trop académique, et empêche de laisser vivre pleinement ce paysage. La caméra ne fait que le filmer, le reste on le fera vivre en montage. A l'instar du Gravity de papa Alfonso, le Desierto de fiston Jonas utilise son environnement naturel comme base du film. Mais là où Sandra Bullock n'avait pour seul ennemi cette immensité galactique, les mexicains n'ont que ce désert sans fin comme allié face à la folie du chasseur. Huis-clos dans l'espace (et non dans 10 m²), ce sentiment d'oppression fonctionne malgré les milliers d'hectares où sont situés nos protagonistes. L'absence de bande sonore permet d'accentuer cet enfermement, en n'édulcorant pas les scènes de violence (avis aux anti-hémoglobine, ça gicle partout !) et renforçant la réalité brute de l'ambiance.
Cette chasse retrouve dans Desierto son sens premier, celui de l'homme et de sa cible sans défense (et sans galinette cendrée, désolée mais ça me démangeait). Ce manichéisme non subtile provoque pourtant que très peu d'empathie pour les victimes. Tous sans noms énoncés, sans identités, on ne sait rien de leur histoire, ils ne sont définis que par leur condition de clandestin. Seulement dans une courte séquence, pour le quota mélo du film, on apprendra le but ô combien attendu de Gael Garcia Bernal ; retrouver son fils pour prouver qu'il n'est pas un incapable. Okay. Devant ce manque de consistance des personnages, on trouverait presque de la compassion pour le grand méchant et son chien, dont la relation d'homme à animal est la plus profonde, c'est dire.
Pourtant les acteurs y mettent du leur. Gael Garcia Bernal, est à son habitude parfait (Voilà, quoi dire d'autre ?). Et en bad guy ultra cliché, Jeffrey Dean Morgan porte à merveille ses bottes, son treillis et son chapeau de cow-boy. Manque plus que son drapeau Vote Donald Trump à sa voiture pour que le tableau soit parfait. Véritable brute sans pitié, il est évidemment crédible, même si mon petit cœur meurtri veut crier Why Denny Duquette ?! (A vos mouchoirs, chialez !). Même le chien Tracker est bluffant ; il ne fait que courir, grimper, sauter à pleine vitesse pendant 1h20 sans s'essouffler, il sent l'ennemi partout, tout le temps, n'hésite pas à déchiqueter des cous et des bras sans scrupules, il n'arrête jamais, impressionnant ! (comment ça ce n'est que du cinéma ?).
Au-delà du décor naturel et des personnages, le scénario manque quelque peu de cohérence et surtout de surprises. La tension est clairement palpable le premier tiers du film, lorsque le groupe se sépare et que résonnent les premières balles dans le no man's land désertique. On ressent clairement la peur des rescapés et leur soif de survie, celle où l'on oublie nos limites physiques pour sauver sa peau. Lorsque le groupe se réduit à deux, ce cache-cache dans le désert tourne un peu en rond, et accumule les facilités scénaristiques. La fin, plus ou moins ouverte, conclue Desierto de façon mi-spirituelle, mi-anecdotique. Quid du personnage de Gael Garcia Bernal se prénommant Moïse ? Difficile de saisir le véritable message du film, la forme étant un peu surfaite et le fond trop insignifiant.
Ce survival sableux existe davantage par son visuel que pour son histoire (à la différence de The Revenant qui s'épanouissait aussi bien dans sa forme que son fond). Jonas Cuaron a pris plaisir à filmer le désert, on le sent, mais c'est souvent le piège lorsque l'on donne trop d'importance à sa caméra, on en oublie le reste. Desierto reste un film d'action épuré et agréable à visionner, mais qui s'embourbe un peu dans le sable, et s'oublie dès que l'on se lève de son fauteuil.
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Créée
le 19 avr. 2016
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