Odette Cléry engage un valet de chambre stylé au nom évocateur, Désiré. Celui-ci a déjà connu quelques problèmes chez ses précédentes patronnes avec lesquelles il finissait par tenter des approches que la morale et les barrières de classe réprouvent. L’histoire va malheureusement se répéter avec la belle Odette, une ancienne comédienne qui tente en vain de se faire épouser par le ministre dont elle partage la vie. La nuit venue, Odette rêve tout haut du fringant domestique et ce dernier en fait de même à l’étage au dessous. Des rêves érotiques qui parviennent aux oreilles de la femme de chambre et du ministre lui-même, ce qui ne va pas sans provoquer des remous, voire un scandale dans cet univers bourgeois étriqué et hypocrite...
Un Guitry de grande cuvée avec une histoire plus profonde qu’il n’y paraît qui explore simultanément les rapports hommes-femmes et maîtres-serviteurs (ou devrait-on dire maître-esclave?) dans le contexte très typé du Paris de l’entre deux guerres où l’arrogance (et la stupidité) des riches n’a pas de limite. Sur un rythme effréné, Guitry aligne les mots d’auteur, les tirades époustouflantes et les scènes à la fois drôles et cruelles, à l’instar de ce dîner avec une femme sourde comme un pot dont les autres convives se moquent en faisant preuve d'un effarant sans-gêne. Guitry acteur est comme toujours extraordinaire, ici dans un rôle, inhabituel pour lui, de domestique qu’il endosse avec une classe folle jusque dans le long monologue final où il annonce en quelque sorte à sa maîtresse qu’il va la quitter faute de ne pouvoir devenir son amant. C’est à la fois drôle, pathétique et troublant.