Désirs humains
6.6
Désirs humains

Film de Fritz Lang (1954)

Si la mention de Fritz Lang au générique ne suffisait pas à expliquer la nécessité de tenter ce film, alors Gloria Grahame viendrait en déesse incandescente illuminer le chemin vers le dvd, comme une étoile, comme le ciel, comme une évidence.... Bien entendu que ce regard est commandé par un bataillon d'hormones en furie, libidineuse ébullition à la fois dans ma cervelle et dans mon caleçon! Plutôt crever que de réfuter la part sexuelle qui peut révéler parfois des émotions qu'un film engendre. En voilà un cas tellement exemplaire!

Gloria Grahame est dans ce film si bien filmée et composée avec tant de sensualité qu'il m'est impossible d'échapper à son charme canin. Irrésistible. Je commence d'abord par comprendre Nicholas Ray qui l'épouse, mais aussitôt ai-je toutes les peines du monde à lui pardonner de l'avoir traitée comme une merde.

Si seulement elle n'était que belle! Mais c'est qu'elle est très bonne actrice par-dessus le marché! Et dans ce film, la complexité de son personnage, les grands flux et reflux émotionnels par lesquels elle est obligée de passer permettent à la comédienne de faire la démonstration de toute l'étendue de son talent : elle joue tantôt la vamp, sûre de l'attractivité sexuelle que son sublime corps produit chez les hommes, avec un air supérieur qu'un sourcil souvent relevé souligne comme un accent circonflexe sur des yeux ronds de petite fille, de quoi péter la rétine de n'importe quel hétéro mâle ; elle joue sinon la petite poupée effrayée par la violence de son mari que Broderick Crawford incarne avec toute la force et la puissance de sa masse, utilisant son regard féroce avec pas mal de sobriété (sauf quand il s'agit de feindre l'ivresse). Elle est dévastée quand elle cherche en vain l'amour dans les yeux de Glenn Ford, son amant, celui sur qui elle avait fondé tous ses espoirs de survie, sur qui elle comptait pour recouvrer sa liberté et qui désormais a fait un trait sur leur relation. Jamais prise en défaut sur le jeu, elle me parait parfaite. Sont-ce les yeux de l'amour qui m'aveuglent? Possible. Probable.

Ode à Gloria (quel prénom aura été si justement porté?), le film ne se limite pas à ce morceau de bravoure, évidemment Fritz Lang est aux commandes pour un scénario qui adapte "La bête humaine", un pur film noir, pour une histoire très émouvante, la trajectoire d'êtres damnés, nés pour souffrir, à qui les destins ont la cruauté de faire goûter les prémisses d'un bonheur auquel ils n'ont finalement pas droit.

Si l'on en revient au personnage de Vicki joué par Gloria Grahame... je vous ai dit qu'il y a Gloria Grahame dans ce film? et là celles et ceux qui n'ont pas vu le film seraient bien avisés d'aller lire plus loin parce qu'il y a du spoilage au maximum...

- SPOILER :
Si l'on en revient à Vicki, elle est si alambiquée, car cassée par la vie, tenaillée entre un corps générateur de désirs chez les hommes (comme le titre le hurle) et vilipendé par le jugement moral de la société pudibonde américaine, qu'elle apparait avec une ambiguïté constante, très difficile à cerner. Est-elle réellement amoureuse, manipule-t-elle son amant pour qu'il tue son époux violent, comme Barbara Stanwyck dans Double indemnity? Pas si sûr qu'elle soit aussi menteuse que cela. Son dernier geste, cette lassitude, cette morgue suicidaire qu'elle affiche à la toute fin face peut signifier une réelle déception amoureuse. Je ne suis pas sûr.
- Fin SPOILER.

Et c'est formidable que la comédienne ait su donner à ce personnage autant de densité, autant de subtilité, avec des petits riens, une larme ici, une moue là, les nuances de tons dans la voix, que sais-je? Elle est très forte.

A l'image des idées de mise en scène de Lang, cette attente qu'il fait peser avec un train qui passe et qui suspend l'action.

Maitre Lang et maitresse Grahame prennent le train, et moi je voyage.
Alligator
8
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le 8 mars 2013

Critique lue 718 fois

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Alligator

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