Adaptation du roman "La bête humaine" de Zola, "Désirs humains" est aussi un hommage au film de Renoir. L'action est transposée dans l'Amérique des années 1950 : notre conducteur de train, Jeff, (Glenn Ford), n'est plus un psychopathe, mais un brave soldat américain qui a fait son devoir en Corée. Comme ce sont des trains modernes, plus question de relation intime entre le conducteur et sa locomotive. Carl Buckley, le chef de gare adjoint (Broderick Crawford, excellent), ne sombre plus dans le jeu, mais (encore pire !) dans l'alcool après avoir perpétré sa vengeance. Par ailleurs il reste jusqu'au bout amoureux de sa femme, quand Roubaud, le personnage de Zola, perdait toute libido. Quant à sa femme Vicky Buckley (Gloria Grahame), c'est une femme fatale des années 1950, profilée comme un hydravion, mais qui souffre d'être mise en contrepoint d'un personnage de "good decent girl" un peu mièvre (Kathleen Case).
Au niveau filmique, c'est sans doute un des moins affirmés des Fritz Lang de la période américaine. On sent bien le plaisir documentaire dans tous les passages sur la vie du rail, mais le film repose sur un grand nombre de dialogues entre deux personnages, et on a donc notre lot de champs-contre-champs parfaitement conforme à la règle des 180 °, avec les éclairages au poil et les poses à la Casablanca. J'aimais bien mieux "La cinquième victime".
Bon, ne boudons pas notre plaisir. Si le dénouement est éminemment bien-pensant (Jeff laisse tomber Vicky, qui se fait assassiner par son mari), le film réussit bien à retranscrire l'animalité des désirs chez le couple maudit. Du coup, le personnage de Glenn Ford, en contrepoint, semble assez terne et donneur de leçons.
C'est un beau film noir et blanc sur la vie du rail, avec un bon jeu d'acteurs, mais rien d'exceptionnel au niveau mise en scène.