Mexique Odieux
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"Manipulateur", "détestable"... Les adjectifs ne manquent pas lorsqu'il s'agit d'égratigner Después de Lucía.
Narrant la nouvelle vie qu'essaient de se construire un père et sa fille adolescente après la mort de la mère (la Lucía du titre), le film ne délivre sa thématique principale (le harcèlement scolaire) qu'après avoir doucement mis en place ses personnages et leurs rapports. Sans se presser, avec une objectivité presque contre-nature, Después de Lucía propose l'observation clinique d'un quotidien en pleine reconstruction. Et c'est peut-être dans la mise en scène même, encore plus que dans les situations dépeintes ensuite, qu'il faut chercher l'origine du rejet provoqué par Después de Lucía.
Si l'on a dès les premières images envie de le cataloguer comme disciple de Michael Haneke, le réalisateur Michel Franco n'en conserve que les éléments les plus marqués : une utilisation tranchante du plan fixe couplée à une absence quasi-totale de musique. Pour le reste, nous sommes loin du dispositif ludique et pervers d'un Funny Games (qui interpellait régulièrement son audience par une poignée de regards caméra et de dialogues à son adresse), ou même d'une réflexion sur le Mal où ce dernier resterait hors-champ (Le Ruban blanc).
Pas de pause confortable dans Después de Lucía, le film affrontant son sujet dans les mêmes conditions que le public vivra la projection : sans filet de sécurité. De fait, la mise en scène conserve de bout en bout son approche figée, laissant les événements évoluer au sein du cadre en captant chaque nuance et soubresaut de comédiens exceptionnels. Et de cette froideur calculée naîtra une batterie d'émotions fortes, de celles qui saisissent à la gorge.
Voilà de quoi alimenter l'éternel débat sur la représentation de la violence mais ce serait aller vite en besogne que de condamner un tel film. Non, Después de Lucía n'est pas complaisant, mais il ose montrer l'ignoble. Et quand l'ignoble, le révoltant, l'intolérable sont quotidiens, infligés sciemment, patiemment, il faut du temps pour les capter dans toute leur terrible évidence. Tout comme il faut de la patience et un coeur solide pour accepter la place de témoin, aussi compatissant qu'impuissant, que nous assigne le film de Michel Franco.
Fidèle à ses prémices, Después de Lucía se conclura sur un abîme de désespoir intériorisé, lors d'un acte final proprement tétanisant. Rarement l'innommable aura déclenché autant d'émotions contradictoires en un seul plan, allant de l'empathie sans réserves au malaise le plus prégnant. On pourra toujours reprocher au film son héroïne trop passive, la méchanceté trop prononcée de certains personnages secondaires mais le film fait et tient un pari très difficile : retranscrire un état d'impuissance psychologique né d'une loi du silence implicite.
Mettant le sens moral et les nerfs de son public à l'épreuve sans jamais relâcher la pression, Después de Lucía interpelle, secoue et met mal à l'aise autant qu'il bouleverse durablement. Ce qui s'appelle un grand film désagréable.
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le 18 mars 2013
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