Quand on évoque les studios Disney, on pense souvent au site de Burbank, mais connaissez vous les autres studios de la firme aux grandes oreilles ? Il y avait celui de Floride, mais aussi celui de Montreuil. Fondé par les frères Brizzi en 1986, Brizzi Films devient Walt Disney Animation France en 1989. Si au départ il s'agissait surtout de réaliser des épisodes pour La bande à Picsou (1987-90), Super Baloo (1990-91) et Myster Mask (1991-92), il fut vite question de participer à des longs-métrages classiques (Le Bossu de Notre Dame en 1996, Tarzan en 1999, Atlantide en 2001) ou non (Dingo et Max en 1995, Le trésor de la lampe perdue en 1990).
Après la sortie de Fantasia 2000 (sur lequel a participé le studio français), il fut question d'un troisième long-métrage Fantasia. Si le projet ne s'est finalement pas fait, quatre courts-métrages ont été produit : Lorenzo de Mike Gabriel, La petite fille aux allumettes de Roger Allers, One by one de Lebo M et Destino. Réalisé par le français Dominique Monféry, ce dernier fut le dernier film produit par le studio français avant sa fermeture en 2003. Mais le projet date d'un tout autre temps.
Walt Disney et Salvador Dali s'étaient rencontrés lors d'un dîner de Jack Warner dans les 40's et avaie nt envisagé de collaborer sur une nouvelle anthologie musicale. Un type de films que produisait beaucoup Disney à cette époque par soucis économiques et qui a donné lieu à des films intéressants, à l'image de La boîte à musique (1946). Dali commence à travailler avec John Hench, mais Disney voit rapidement que le projet prend trop d'ampleur et commence à coûter cher. Bien que les deux artistes restent en contact, Destino s'arrête. Il reprend sous l'impulsion du neveu de Walt Roy E Disney en compagnie de John Hench au début des 2000's.
Le projet final n'est donc pas totalement l'œuvre de Dali, mais il s'en rapproche. Destino reste un film dans la mouvance des Fantasia (1940-99) avec aucune réplique et uniquement de la musique (une chanson interprétée par Dora Luz). Monféry s'amuse à faire une série de clins d'œil à l'artiste comme la présence de pendules et plus généralement du temps, les fourmis sortant d'une main ou le personnage traînant un objet.
Tout comme dans Un chien andalou (1929) que Dali avait coréalisé, il n'y a pas de réel scénario. Une trame à la rigueur, avec deux êtres tombant amoureux et essayant de se retrouver malgré les éléments (le temps, la physique, des entraves). Mais cela reste vague, faisant peut-être de Destino le film Disney le plus expérimental depuis bien longtemps.
On peut également souligner que l'animation est typique de son époque avec un mélange d'animation traditionnelle et d'images de synthèse, tout en ayant curieusement un style propre à lui. On est donc assez loin du character design qui est parfois reproché aux productions animées Disney, y compris récentes. Destino dégage un charme indéniable sur ses six minutes, envoûtant le public avec sa chanson-titre et une animation irréprochable. Un film qui montrait en tous cas tout le savoir-faire du studio des frères Brizzi, grande marque de l'animation à la française depuis les 80's (rappelons qu'on leur doit également La surprise de César).