« Jamais je n'ai senti, si avant, à la fois mon détachement de moi-même et ma présence au monde » AC
Un film où la caméra bouge sans cesse nerveusement captant les visages au plus près, les corps, les émotions, le passé, la mise en scène, les doutes, le trouble et surtout les longs couloirs vides. Utilisant le tableau d'écolier pour imaginer et rendre vivante les pensées les plus violentes, les plus grandes extrémités, le film aboutit à créer des images fortes.
Les dialogues sont également intéressants parce que pertinents. Le propos du film est certes quelque peu hystérique et noir, pas toujours excellent. Mais qu'est-ce que c'est beau, c'est bien fait et ça fait de ce film un vraiment bon moment de cinéma avec un très grand Adrien Brody. Film qui décline à l'infini toutes les notions de détachement à partir de la volonté du personnage principal de vivre détaché de tout mais surtout de lui-même et rappelé rapidement à la réalité du monde qui l'entoure et qui le touche nécessairement que ce soit sous les traits d'une jeune élève suicidaire, d'une prof séduisante mais trop bavarde, d'un grand-père ambiguë, d'une mère partie trop vite et surtout d'une prostituée-enfant qu'il recueil dans son appartement sans chaleur humaine, vide, blanc et dénudé.
L'une des dernières scènes laisse cependant planer une forme d'espoir au milieu de ce chaos dépressif, un film d'une noirceur folle mais qui assimile la détresse, la pensée humaine et le mode de fonctionnement d'une société (assimilation permanente de faux concepts, retour à l'imagination par la lecture, échappée à cette assimilation de tout, tout le temps et redévelopper l'esprit sur ce chaos où, je cite, "les femmes sont des putes avec lesquelles il faut baiser et qu'il faut tabasser", rejet de l'éloge de la maigreur, du regard des jeunes mecs sur les filles, dans ce lycée difficile, pauvre et recalé....) avec finesse, intelligence et force. Un détachement impossible finalement à la fois des images et du sentiment qu'il dégage en nous, ce film reste longtemps dans l'esprit, faisant planer la figure d'Adrien Brody lente, suave et désespérée (la référence à 1984 d'Orwell et sa "double conscience" est d'une grande pertinence)