« Au milieu de l'hiver, j'ai découvert en moi un invincible été. »
Moi aussi, j'ai envie de citer Camus. Franchement, un film qui démarre avec une citation de mon cher Albert, ça commence fort.
Je peux aussi bien comprendre ceux qui ont adhéré à Detachment que les plus mitigés. Oui, il y a plein d'effets parfois un peu factices, on sort souvent les violons (mais tu vas pleurer, oui ou non ? Moi je suis faible, il m'en faut peu pour que mes yeux s'embrument), le caméraman aime les gros plans et le flouuuu, on a un catalogue de tous les pires élèves qui soient. Si vous voulez voir ce qu'est l'école, le système scolaire, regardez plutôt Nous, princesse de Clèves, un superbe documentaire qui traite entre autre de l'éducation. Mais Detachment reste un film, ne lui reprochez pas d'être ce qu'il est.
En tout cas, c'est aussi un sacré moment de cinéma. On est totalement immergé dans le quotidien de ces profs. Du début avec des témoignages qui font froid dans le dos à la fin apocalyptique. C'est parfois très bien filmé (longs plans dans les couloirs à la Shining), émouvant, amusant (oui oui !), avec une jolie photographie, de bonnes idées de mise en scène (montage épileptique sans lien qu'on finit par comprendre, dessins au tableau qui s'animent) parfois même un certain lyrisme. Les scènes dans les salles jonchées de feuilles sont sublimes.
C'est définitif, je veux un prof comme Adrien Brody. Ce type incarne à la perfection ce fameux "détachement" puis une gentillesse totale. Il est totalement camusien ce personnage, "creux" comme il le dit, vivant dans cet univers absurde. Enfin au début. Il le perd peu à peu, ce détachement. En cela, c'est un peu un Meursault bis. Au lieu d'être imperméable au monde et aux humains, la seule façon de pouvoir vivre décemment, c'est de s'y intéresser. On découvre peu à peu qui est Barthes (quel nom !), un certain "suspens" s'instaure par rapport à son passé. Pleurant dans le bus, face à la caméra, marchant seul dans les rues désertes, il m'a bouleversée, de bout en bout. On ne sait jamais si on doit avoir de l'empathie pour lui ou le trouver lâche. Cette ambivalence du personnage est particulièrement intéressante. C'est un type normal, comme vous et moi. Les profs de Detachment ne sont pas des héros bourrés d'humanité. Ils sont souvent faibles, amers, parfois même détestables. Ils sont comme nous. On s'identifie sans grande peine à ces hommes et femmes en pleine détresse.
Oui, il y a quelques clichés (la fille grosse mal dans sa peau, le prof victime) mais l'univers scolaire sonne incroyablement vrai. C'est quand même plus profond que le Cercle des poètes disparus. Plus noir, plein de désillusion, et sûrement plus proche de la réalité.
Detachment n'est peut-être pas un chef d'oeuvre, n'est pas très novateur. Mais il pose les bonnes questions. Comment faire face à ces élèves désœuvrés, qui s'en foutent royalement ? Comment lutter contre des parents toujours plus agressifs ou carrément absents ? Le détachement est-il la solution, est-il même possible ?
CESSEZ, par contre, DE FAIRE DU MAL AUX CHATS (ouin).
A une époque, je voulais être prof. Mais ça, c'était avant.
Enfin, ne faites SURTOUT pas la même erreur que moi : Detachment, le Samedi soir, nuira gravement à votre moral. On se prend une sacrée claque dans la figure. Entre les murs à côté...c'est les bisounours !