Detachment par NicolasGrosZehe
On peut regarder Detachment suivant plusieurs angles. D'un point de vue général, le film constitue un tableau impitoyable d'une société qui se délite de tous côtés. L'ensemble des personnages est saisi dans une posture d'échec présent, passé ou à venir. La charge est tellement radicale qu'elle paraît parfois onirique dans ses excès : les effets déformants, les postures inhabituelles (la principale prostrée dans son bureau), les grimaces de possédés (exceptionnelle composition de James Caan), les excès des uns et des autres, les pétages de plomb en tout genre... Le film peut donc être vu d'une certaine façon comme un mauvais rêve, un cauchemar qui reflète la réalité en la déformant très légèrement, une sorte de subtile dystopie voilée. Un autre angle de vision est de considérer le film comme une ode élégiaque à la dépression, un hommage à la mélancolie. Il devient alors une version de la réalité vue à travers le prisme déformant du regard de son acteur principal. Beaucoup d'éléments poussent à cette approche, dont les inserts qui montrent Adrien Brody commenter son cas, comme si toutes les autres images étaient rêvées, les nombreuses références littéraires ou les visions finales de l'école dévastée. Une troisième clé pourrait être psychanalytique : inceste, suicide, rapport à la mère, au père disparu. Les rapports aux femmes qu'entretient Henry Barthes peuvent être caractérisés par une sorte d'impuissance à concrétiser ses émotions. Il ne cède pas aux avances de sa col!ègue, ne peut serrer Meredith dans ces bras, et renvoie sa jeune protégée dans une scène déchirante. Le film ne fait donc qu'effleurer de très loin le sujet pour lequel il est vendu : la difficulté d'être enseignant dans un établissement (pas si) difficile. Au-delà de son ambitieux propos, le film présente deux qualités essentielles : la performance exceptionnelle d'Adrien Brody, et la mise en scène assez soufflante de Tony Kaye. Ce dernier parvient à insuffler un rythme de film d'action à cette chronique névrosée par la grâce d'un montage hyper nerveux, associé à une petite musique toute en contrepoint et à des montagnes d'effets différents - que certains spectateurs délicats ne manqueront pas de trouver grossiers. Detachment n'est pas plaisant, il est puissant.
L'acteur principal Adrien Brody est magistral, dommage que cet acteur ne soit pas d'avantage connu...
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