Après le quotidien de soldats en Irak dans Démineurs et la traque de Ben Laden dans Zero Dark Thirty, la réalisatrice oscarisée Kathryn Bigelow poursuit son obsession pour les territoires en conflit. Toujours épaulée par le journaliste et scénariste Mark Bowl, elle s'attaque cette fois-ci à une bavure policière commise à Détroit lors des émeutes raciales de 1967. Un thriller éprouvant et d'une actualité brûlante.


Avant toute chose, il me tient à cœur d'évacuer l'éternelle question de la représentation de violence au cinéma (« le travelling est une affaire de morale », bla bla bla...). Dans ce film-ci tout comme dans Zero Dark Thirty, Kathryn Bigelow, à travers l'investigation précise et objective de Mark Bowl, s'en tient au faits : si violence il y a eu, violence il y aura à l'écran, et ce parfois avec images d'archives à l'appui. La mise en scène, dans un style très documentaire, ne nous impose aucun point de vue, c'est au spectateur de juger, de se faire son opinion et d'analyser les images auxquelles il est confronté.


Oui, Detroit est une œuvre peu agréable à regarder, s'adressant à un public averti, prêt à affronter quasiment deux heures et demie de chaos. Car du strict point de vue de la dramaturgie, il faut dire que la cinéaste réalise un coup de maître. Structuré en trois actes, le long-métrage s'ouvre in medias res sur une scène d'émeute, qui introduit les différents personnages via une multiplicité de cadrages nerveux et un montage extrêmement habile. L'immersion est totale et le suspense atteint son acmé dans une seconde partie (la bavure policière) aux allures de survival, nous confrontant aux pires travers du racisme dans l'Amérique contemporaine, tout en évitant l'écueil du manichéisme. La séquence finale, plus judiciaire et intimiste, fait quant à elle le constat de tous ces événements tragiques et, préparez-vous à être révulsé, car ce n'est pas beau à voir.


Frontale, mais pertinente dans ce qu'elle souhaite dénoncer, Kathryn Bigelow livre donc un long-métrage dérangeant, politique, engagé et donc incontestablement nécessaire.


https://amaurycine.blogspot.com/2017/10/detroit.html

Amaury-F
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Les meilleurs films de 2017

Créée

le 17 oct. 2017

Critique lue 333 fois

4 j'aime

Amaury-F

Écrit par

Critique lue 333 fois

4

D'autres avis sur Detroit

Detroit
Sartorious
5

Un réalisme bien artificiel

Singer le style documentaire en recourant à la caméra portée, mêler les images d’archives au récit pour insinuer l’idée d’une continuité entre les évènements mis en scène et la réalité historique,...

le 12 oct. 2017

63 j'aime

9

Detroit
Shezza
5

De l'hyper-visibilité pour un manichéisme malsain

Je suis sortie de Detroit avec un goût de malaise dans la bouche, sans vraiment savoir quoi penser de ce que j'ai vu. Ce sont mes pérégrinations sur Internet post-séance, et une bonne nuit de...

le 15 oct. 2017

42 j'aime

11

Detroit
Behind_the_Mask
7

Chauffé à blanc ?

Le cinéma de Kathryn Bigelow, on en connait la force. Surtout depuis Démineurs et Zero Dark Thirty. La réalisatrice récidive ici, avec Detroit. Pas étonnant, me direz-vous, vu que Mark Boal a été...

le 13 nov. 2017

41 j'aime

9

Du même critique

Juste la fin du monde
Amaury-F
10

Une leçon de mise en scène

Objectivement, Juste la fin du monde est brillant à de nombreux niveaux. Quelle maîtrise, quelle inventivité ! Il n'y a pas à dire, tout semble chorégraphié au millimètre près. Pourtant, force est de...

le 17 sept. 2016

25 j'aime

1

Brice 3
Amaury-F
7

Du nawak jouissif et décomplexé

Alors que Brice de Nice premier du nom ne me laissais pas un excellent souvenir, le cinéaste James Huth et l'acteur oscarisé Jean Dujardin décident cette année de réanimer ce phénomène...

le 21 oct. 2016

23 j'aime

2

Toni Erdmann
Amaury-F
3

L'hallucination collective de Cannes

Alors, que vaut finalement cette « palme du public et de la presse » ? Ne faisons pas durer le suspense plus longtemps : J'ai du mal à m'en remettre tant ma consternation fut grande. On en ressort...

le 18 août 2016

18 j'aime

8