Nul besoin de manier les rimes ni les superlatifs pour faire de la grande poésie : la candeur d'Agnès Varda nous prouve à chaque plan, à chaque question innocemment posée aux intervenants de son film, qu'elle est une merveilleuse révélatrice de l'invisible, de l'âme qui filtre à travers la trivialité de la vie. Plus qu'une glaneuse, c'est une tisserande : elle montre ou construit des liens, des ponts, des rapports, entre mots et objets, entre objets et humains, entre humains et mots, qui étaient oubliés, délaissés.
J'ai d'abord voulu écrire que ce documentaire était hors du temps et puis je me suis rendu compte très vite que ce n'était pas vrai puisque c'est en partie une chronique du temps qui passe et qui s'inscrit dans les hommes et les objets dans une quasi-symbiose. Mais j'ai fini par comprendre pourquoi je tenais tant à cette expression. Il est hors du temps car il est en marge, là où le Progrès ne fait plus ses ravages, il vient là où l'orage est déjà passé. C'est dans une société en marge qu'on ne croyait plus vivante que nous sommes emmenés, une société que l'on découvre étonnamment décente et pudique là on l'on voudrait nous faire croire qu'elle est viciée et désespérée. Mais c'est cette société en marge qui a finalement le rapport le plus humain aux mots, aux objets et aux autres humains et à travers ces quelques plans, c'est l'indécence de la société normale qui est mise à nu.
Conçu d'abord comme un bonus au DVD de "Les glaneurs et la glaneuse", ce documentaire appelé "Deux ans après" rappelle qu'il y a deux ans, la renaissance de quelque chose a eu lieu, ce quelque chose indéfinissable mais qui dépasse Agnès Varda, dont elle est pourtant la fidèle et aimable rapportrice.