Jean-Jacques Annaud est un cinéaste que j'aime bien. Il touche à beaucoup de genres avec succès. Il adapte "le nom de la rose" (pas une sinécure), il fait jouer Patrick Dewaere au foot (ce qui fut, selon Guy Roux, une épreuve de désespérance), il ressuscite les hommes préhistoriques en quête du feu et va au Tibet. En plus, il s'intéresse aux animaux comme les ours ou, ici, les tigres. Il parait aussi mais je ne l'ai pas vu, aux loups … sans oublier qu'il a souscrit aux amours de Marguerite Duras, mais ça, il parait que c'est bien, mais je n'ai pas été tenté …
Peut-être, un mode commun à tous ces films : la nature qu'il met en scène de façon toujours captivante.
Ce qui nous ramène à "Deux Frères".
Ah, ça commence très fort avec ces deux bébés tigres qui vivent en parfaite harmonie avec leurs parents dans une jungle magnifique où ils apprennent progressivement leur métier de futur prédateur avec parfois des déconvenues. Jusqu'au moment où d'autres prédateurs arrivent : les hommes. Bon, d'accord, ils ne sont pas à la chasse au tigre mais plutôt dans une opération de vol de statue des temples d'Angkor … Mais si on peut, en supplément, ramener un ou plusieurs tigres, morts ou vifs, on ne va quand même pas pleurer.
L'action se passe au début du XXème siècle alors que l'Indochine est sous tutelle française. Ce qui nous permet de voir l'administrateur en plein travail … de magouillage avec les potentats locaux à peine moins scrupuleux.
Mais tout ceci c'est pour le contexte et pour alimenter l'anticolonialisme primaire du spectateur qui se trouve confronté à deux options : "putain, quels salauds ces profiteurs de colons" ou au contraire "si j'y avais été, qu'est-ce que je me serais mis dans les fouilles".
Parce que le film est une très belle histoire d'amitié entre deux êtres humains et chacun des bébés tigres. Peu importe la vraisemblance, peu importe que pour des raisons de sécurité, les scènes de proximité ont été filmées à part puis superposées. L'idée est très belle. Le résultat est magnifique. La scène d'apprivoisement d'un des bébés tigre est remplie d'émotion. La scène où le bébé tigre se planque parmi les peluches de l'enfant est craquante.
Et je ne parle pas de la scène de combat des deux tigres (mangeurs d'homme) qui tourne court au grand dépit des spectateurs venus voir du sang couler …
Ah si, un fait à signaler qui pourrait démontrer que "le pire n'est jamais certain" et qu'on peut toujours puiser des expériences positives mêmes dans les pires situations. Un des tigres ayant passé par la case "cirque" a appris à traverser, à coups de trique, un cercle de feu. Expérience qu'il pourra ultérieurement mettre à profit.
Le casting présente des acteurs peu connus (enfin, pour ce qui me concerne).
L'enfant et le chasseur sont interprétés par Guy Pearce (le chasseur) et Freddy Highmore (l'enfant)
Le seul acteur que je connaisse un peu, c'est Jean-Claude Dreyfus croisé plusieurs fois chez Boisset, notamment. Il interprète le personnage – dodu comme un porc - de l'administrateur.
Mais les vraies vedettes sont indéniablement les tigres dont j'imagine les nombreuses heures de travail qu'il a certainement fallu pour en arriver au résultat final.
"Deux frères", c'est le genre de film où il ne faut pas se prendre la tête et encore moins s'interroger sur des questions oiseuses de vraisemblance. C'est le genre de film où il faut juste entrer dans l'histoire et se laisser guider par les images.
A la fin, on sort du film avec l'impression d'être heureux !