Trop de Xanax tue le pathos !
Je vous fais le pitch.
- Marion Cotillard prend un Xanax
- Marion Cotillard prend un Xanax et boit de l’eau
- Marion Cotillard prend un Xanax, boit de l’eau et sonne à une porte
- Marion Cotillard prend un Xanax, boit de l’eau, sonne à une porte et débite toujours la même phrase « Je viens te voir car y aura un nouveau vote lundi et comme Jean-Marc en a pris certains à part pour leur faire peur, je voudrais que tu votes pour moi lundi matin »
- Marion Cotillard pleure, prend un Xanax et boit de l’eau
- Marion Cotillard voudrait être un oiseau, prend toute la boîte de Xanax et boit de l’eau.
A renouveler 16 fois puisqu’il s’agit du nombre de collègues à convaincre en un week-end. Les laboratoires Pfizer remercient chaleureusement les frères Dardenne pour ce placement produit très efficace.
Il faut déjà adhérer au postulat de départ, qui m’a laissée plus que dubitative. L’entreprise de Sandra, touchée par la crise, doit faire des économies. Le patron a décidé de demander à ses salariés de voter entre garder leur prime individuelle ou conserver le poste de Sandra. Ça existe ça ? En Belgique ? Bonjour l’ambiance. « Ils ont voté contre vous, vous êtes le maillon faible, au revoir ». Bon bref, admettons que ce soit légalement possible. Mais la nana qui fait du porte à porte tout le week-end pour convaincre ses collègues ? Et histoire d’en rajouter une couche, Sandra était en arrêt maladie pour dépression et sur le point de reprendre le boulot. Du coup, c’est la double peine tu vois.
Donc plus sérieusement, les frères Dardenne nous emmènent dans un road movie de la misère humaine. Populations ouvrières prises à la gorge par leurs dépenses, misère contre misère, de ceux qui ont besoin de leur prime contre ceux qui ont besoin de garder leur boulot. C’est très certainement le reflet d’une réalité concrète vécue par des centaines de milliers de gens chaque jour. Si on voulait extrapoler, on pourrait dire que cette façon de monter les gens les uns contre les autres, en jouant à qui est le plus malheureux des deux, est certainement la source des résultats des dernières élections. Faire croire aux plus désargentés et aux plus malheureux que la solution réside dans l’éviction de ceux qui, d’après eux, profitent du système. Une façon de détourner leur regard des vrais responsables. Diviser pour mieux régner, faire en sorte que les plus malheureux se bouffent entre eux pour mieux s’en débarrasser.
Sur le fond, oui, ce film est fort. Et derrière un scénario et une mise en scène d’une sobriété quasi documentaire, c’est une analyse féroce de la réalité du monde du travail et des enjeux de société.
Sur la forme, j’ai trouvé ça, pardon, mais chiant. Marion Cotillard s’en sort très bien mais les plans fixes de son visage attendant devant une porte qui s’ouvrira ou pas… ça va bien une fois ou deux mais seize ! Pfff ! Heureusement le film est assez court par rapport à ce qui se fait depuis quelques années.
Difficile de ne pas avoir de sympathie pour les intentions de ce film, surtout avec la fin choisie, mais trop de Xanax tue le pathos (et vice versa).