Deux jours, une nuit par Rawi
Deux jours et une nuit, c'est le temps dont dispose Sandra pour persuader seize de ses collègues de travail de renoncer à une prime juteuse afin qu'elle puisse garder son emploi.
Première chose à dire : je n'aime pas particulièrement Marion Cotillard mais je suis forcée de reconnaitre ses talents quand elle est formidablement dirigée comme c'est le cas ici.
Remercions donc Luc et Jean-Pierre comme l'a été en son temps Jacques de légitimer sa réputation internationale.
Ceci étant dit, je voudrais quand même souligner qu'après avoir lu, ici et là, que le film était une formidable chronique sociale, une excellente illustration des dégâts provoqués par cette fichue crise qui n'en finit pas de commencer à terminer...; pour moi, ce n'est pas LE sujet qui prime ici.
Ce que j'ai vu c'est bien sûr une femme qui perd son travail car son employeur doit faire des économies, des gens acculés à sacrifier l'une des leurs pour une prime annuelle d'un millier d'euro, un chantage immonde et de l'abus de pouvoir.
Mais ce que j'ai retenu, c'est une femme face à la dépression, face au manque d'estime de soi. Son combat, la manière dont elle se fait violence pour s'imposer aux autres par nécessité de survie est primordial par rapport à ce qui déclenche cette réaction.
Elle a honte d'avoir besoin d'exister, s'excuse de vouloir préserver son poste d'avoir besoin de réclamer aux autres qu'ils renoncent à leur dû pour qu'elle puisse, elle, nourrir ses enfants.
Demander à ses collègues de reconnaître son existence est pour elle une épreuve, signifier son besoin élémentaire d'être considérée comme un être humain qui a le droit de ne pas être méprisée, oubliée et laissée pour compte. Ce portrait de femme pourrait sans ce "détail" être comparé à Rosetta. Un électrochoc de la même ampleur à la hargne plus nuancée. La présence obligatoire du Gourmet préféré des frangins déjà multirécompensés dans le rôle du salaud patenté fait plaisir même si on ne le voit que deux minutes en tout et pour tout.
La situation de cette entreprise qui constate que le travail peut se faire à un employé de moins est semblable à tant d'autres. Elle exploite et déconsidère les gens qui la font avancer, vivre et prospérer. 16 travailleurs surchargés, ça vaut mieux que 17 plus sereins... pour cela, les dirigeants sont prêts à faire pression, menacer et manipuler sans vergogne et profiter de la détresse des gens pour se dédouaner de leurs responsabilités.
Pour les collègues "harcelés" par Sandra, la question se pose de savoir si on peut s'opposer à une injustice flagrante en temps de crise quand c'est la main qui vous nourrit qui la commet.
Avoir conscience du tort qu'on commet et agir en adéquation il y a une marge.
Sandra se verra opposer la compassion, la moquerie, le mépris ou la violence la plus sauvage mais elle fera réagir.
Face à ces aleas, cette femme à la fois fragile, en pleine détresse mais d'une noblesse et d'une dignité formidables cherche à préserver sa part d'humanité, ne pas trahir ses principes et rester droite et respectueuse. Ce, même si avoir comme priorité de ne pas nuire à l'Autre lui porte préjudice à elle.
Jusqu'à la fin où elle se rend compte que le combat mené est plus important que le résultat, que la force acquise au cours de son week-end ne la quittera plus.