Deux sœurs
6.6
Deux sœurs

Film de Mike Leigh (2024)

Cela fait une éternité que je n'avais pas regardé le moindre film de Mike Leigh. Pour tout dire, cela fait presque douze ans que je suis sur SensCritique et je n'ai ni critiqué, ni noté un seul long-métrage du Monsieur durant cette période. Il faut bien avouer que les quelques œuvres que j'ai visionnées de lui m'ont rebuté. Mais j'ai pensé que peut-être une certaine maturité cinéphile allait me faire voir son style d'une autre façon. Ce qui fait que j'ai profité de la sortie en salles de ce Hard Truths pour vérifier. Ben, non... je déteste toujours autant son cinéma.


Déjà, je trouve que Leigh se complaît un peu trop à ne montrer que la négativité, par l'intermédiaire d'un personnage (ici à travers le protagoniste féminin, mais je vais revenir sur ce point plus loin !), tellement poussée à l'extrême que ça en devient caricatural. Et quand il y a un personnage positif, joyeux, content de vivre, qui se pointe (ici, la sœur ou la nièce ; cette dernière, au passage, est inutilement développée, pendant dix minutes, indépendamment du reste de l'histoire, avant de disparaître complètement !), c'est uniquement pour mettre en relief combien l'autre ne dégage que de la négativité (même dans Happy-Go-Lucky, dans lequel le personnage principal est ultra-optimiste, Leigh se sent obligé de fourrer un contraste forcé avec un professeur de conduite totalement détestable !). Même visuellement, quand il oppose l'intérieur terne et dépouillé du protagoniste à celui coloré, bourré de plantes et de bouquets de fleurs, de la sœur, il est lourdingue.


Le cinéaste ne connaît pas la nuance, il est incapable d'explorer en profondeur d'éventuelles failles psychologiques, de parvenir à rendre ses personnages négatifs attachants, ou au moins intéressants. Il ne faudrait pas lui en demander trop. Que ce soit bien clair, je n'ai rien contre le fait de suivre un récit sur une personne antipathique, dégageant constamment de la négativité, toxique pour son entourage. Et d'ailleurs, des réalisateurs ont réussi à faire de bons films sur ce type de cas, parce qu'ils approfondissaient, parce qu'ils allaient au-delà de la surface des choses. Par exemple, si on reste dans la Perfide Albion, les représentants du Free Cinema y sont souvent parvenus (à l'instar de Karel Reisz avec Saturday Night and Sunday Morning, de Tony Richardson avec Look Back in Anger ou encore de Lindsay Anderson avec This Sporting Life !).


Ensuite, les dialogues sont trop écrits, le jeu des comédiens est trop théâtral pour dégager la plus petite impression de spontanéité et de naturel. C'est à peine si, avant le début de la scène, je n'entends pas Mike Leigh dire à Marianne Jean-Baptiste, "allez, Marianne, c'est le moment de faire ton petit numéro pour la millième fois dans le film, comme on l'a répété une centaine de fois !". Alors, je ne dis pas que, de temps en temps, un acteur ou une actrice jouant un petit rôle n'est pas capable d'apporter de la justesse à tel moment de l'échange ou qu'une ligne de dialogue ne peut pas être balancée d'une manière crédible par un des comédiens principaux. Mais, c'est comme un mauvais écrivain qui arrive une fois sur cent à rédiger une bonne phrase, c'est de l'ordre de l'exception. Oui, je connais la méthode de Leigh qui travaille avec ses comédiens pendant des mois, en amont, le scénario. Reste qu'il n'arrive pas à obtenir, au bout de tout ce long laps de temps, de ses interprètes ce que des cinéastes talentueux parviennent à obtenir des siens en quelques heures, voire en quelques minutes (y compris de mêmes comédiens ; Marianne Jean-Baptiste, Sally Hawkins, Eddie Marsan, Timothy Spall, Brenda Blethyn ou encore David Thewkis donnent des interprétations vraiment excellentes chez les autres quand ils sont bien dirigés !).


Côté scénario, 90 % de l'ensemble, c'est uniquement une accumulation de séquences lors desquelles le personnage principal agresse verbalement toute personne, dans son entourage ou complètement étrangère, qui a le malheur de le croiser. Voilà, c'est tout. Ouais, ça devient très vite ultra-répétitif et donc ultra-lassant. Autrement, comme susmentionné, l'histoire avec la nièce ne mène à rien et aurait pu être supprimée sans que rien ne change. Vers la fin, il y a bien quelques ébauches de sous-intrigues à démarrer... mais générique de fin, voilà...


Sinon, techniquement, c'est plat de chez plat. Il n'y a aucune recherche de contraste dans l'image. Quelquefois cette dernière est même assez bâclée pour les scènes en extérieur parce que le directeur de la photographie ne sait visiblement pas que les drapeaux de tournage existent pour bloquer ou absorber la lumière du soleil. Pour les cadrages, c'est principalement une morne alternance entre des champs-contrechamps et des plans d'ensemble ; évidemment, ça accentue l'aspect ultra-répétitif.


Mouais... bref, quand on est cinéphile, il faut reconnaître qu'il y a des cinéastes qui ne sont pas faits pour soi et qu'il vaut mieux laisser tomber plutôt que d'insister. Après tout, le septième art est un champ si vaste, à l'horizon à perte de vue, que ce ne sont pas les talents à découvrir ou à approfondir qui manquent.



Plume231
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le 3 avr. 2025

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