Get Out brought me there. Plus sérieusement, j’avais vaguement entendu parler de ce classique du cinéma américain versant droits civiques, mais ce n’est que depuis que j’ai vu le film de Jordan Peele qu’il m’a semblé judicieux de réparer cette lacune. Et puis il y a Katharine Hepburn, Spencer Tracy, Sidney Poitier et la belle Katharine Houghton, croisée récemment dans… Le dernier maître de l’air. Si. Avouez que ça donne envie.
On pourra se plaindre de la théâtralité puisque le texte y est trop imposant et les décors en studio – le film se déroule quasi intégralement dans une maison – brisent le mouvement réaliste sur lequel voudrait s’ancrer le récit. On pourra critiquer l’aspect gauche de droite du film, puisque s’il revendique l’égalité des hommes quelque soit leurs couleurs, il le fait selon un principe libéral à savoir que le noir ici est celui qui réussit (il cumule les diplômes), celui à qui l’on offre le plus beau background (femme et fille décédée) et celui qui accepte la nuance : Il comprend très bien que ses parents et ses beaux-parents soient gênes ou choqués par leur volonté conjugale. Bref c’est un peu l’homme parfait. Le noir qui réconcilie les blancs. C’est la grosse limite du film à mon avis. Sauf si l’on accepte de se dire que Devine qui vient diner est le produit de son époque, auquel cas il me semble qu’il répond bien à cette idée de changement mais pas trop comme le critiquait les partisans du Black Power. Après, le film est sorti alors qu’on interdisait encore les mariages interraciaux dans de nombreux Etats. On ne ferait plus le même film aujourd’hui, heureusement. On fait Loving. Ou Get Out.
Le film va donc être émouvant autrement. Dans la finesse de ses dialogues, déjà, d’une grande modernité. Et dans chaque petit bloc de séquence qui, comme au théâtre, se déroule dans une pièce précise (Le salon, la terrasse, la chambre, l’étude) avec deux, trois maxi quatre personnages, à l’exception du monologue final déclamé par le père devant l’assemblée toute entière. Ça aussi on pourrait le critiquer : La dernière et imposante parole c’est le père blanc qui l’a. Légitime puisque c’est chez lui mais ça prouve une fois de plus que le film voulait faire bouger les choses sans faire de tremblement de terre non plus. La petite tape sur l’épaule qu’il donne au père noir à la fin suffit à nous faire comprendre que ce dernier sera d’accord – Je reconnais avoir pensé à l’horrible Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu à cet instant-là. Un monologue pour l’un, une tape sur l’épaule pour l’autre. On ne peut pas dire que le film se conclut en parts équilibrées. L’équilibre c’est pourtant ce qu’il recherche constamment et qui fait sa force. Là-dessus il me semble qu’il trouve sa cible tant chaque personnage est dessiné scrupuleusement, chacun existe dans son propre ilot d’ouverture d’esprit, de préjugés et de conscience. Jusqu’aux personnages secondaires que sont la bonne noire et l’ami pasteur blanc, side-kick fondamentaux.
Le film est un peu long car on y perçoit trop sa mécanique, il est trop bavard et son décor unique n’aide pas, mais il séduit par sa contrainte temporelle : Le couple s’apprête à prendre l’avion pour Genève où il se mariera. Ils ont tous deux quatre heures pour avoir le consentement de leurs parents. Il y a un aspect compte à rebours, on sait qu’il est telle heure ici, on voit les préparatifs du diner là. Et finalement c’est peut-être le côté entonnoir qui permet au film de libérer une vraie puissance émotionnelle, surtout grâce aux deux mères, avec lesquelles il est infiniment bienveillant, puisque si elles ont d’abord été outré par la nouvelle, ça n’a duré que le temps d’un flash et aussitôt elles ont compris que seul le bonheur de leur enfant respectif comptait. Le film gagne là-dessus à mon avis. D’autant qu’il m’a fait chialé et quand je chiale, tous les griefs s’envolent.