S'emparer d'un sujet politique aussi sensible que le racisme, et cela au beau mileu des années 60 en Amérique, c'est l'exercice casse-gueule par excellence. Pas facile de ne pas tomber dans le discours niais et planplan, ou dans la caricature du bouseux du sud, drapeau confédéré tatoué sur la poitrine. Sweet home Alabama.
Stanley Kramer ne s'en prend pas à ces abrutis dégénérés qui conduisent leur pick-up à toute berzingues sur les chemins poussiéreux du Texas. C'eut été trop facile. Il ne raconte pas non plus une histoire de meurtre impuni, qui constitue la trame de l'immense majorité des films anti raciste (Mississippi Burning, Shaft, Le Droit de Tuer?..).
Ici les "méchants" (si on peut les appeler comme ça) sont un couple de bobos gauchistes bien pensant qui se retrouvent subitement face à leur contradiction. Se qualifiant eux même de progressistes ils sont fiers d'avoir des idées avancées en matière d'égalité des "races". Mais quand leur fille décide d'épouser un homme noir fort convenable il y'a un truc qui va pas. Un je ne sais quoi qui fait qu'ils ne sont pas d'accord.
Cette satire d'une sorte de "racisme ordinaire", c'est à dire un racisme présent chez tout le monde, même ceux qui s'en défendent, est surement un moyen plus efficace de s'en prendre à la ségrégation raciale que parler d'un crime odieux commit par un tocard abruti par un soleil de plomb et shooté à la méthamphétamine. Devine Qui Vient Dîner parle à tout le monde, et repose beaucoup sur l'identification aux personnages. Personnages qui sont tous très bien écrits par ailleurs. Tout comme les dialogues, assez convenus mais très sincères.
Mis en scène comme une pièce de théâtre, ce qui restera comme le chef d'œuvre de Stanley Kramer rappelle les satires de Molière ou Beaumarchais, drôles et intelligentes. Pas hilarant et génial, mais réalisé avec une justesse rare pour ce type de sujet. Devine Qui Vient Dîner est un chef d'œuvre en son domaine. Pour moi c'est même la référence dans ce domaine. A voir absolument.