Sur le sujet ultra-balisé de l'amour impossible, Wissam Charaf échoue à s'échapper du naturalisme. Présenté comme un mélodrame, le film n’a aucune profondeur romanesque. Le tout est désespérément plat.
Ahmed, réfugié syrien espérait trouver l’amour en Mehdia, une femme de ménage éthiopienne. Mais à Beyrouth, cela semble impossible... Ce couple de réfugiés sentimentaux réussira-t-il à trouver sa voie vers la liberté alors qu'Ahmed, survivant de la guerre en Syrie, semble rongé par un mal mystérieux qui transforme son corps peu à peu en métal ?
Le film plonge la tête la première dans le naturalisme, le réalisme social si courant dans les films d’aujourd’hui. On suit la vie quotidienne la plus banale des deux protagonistes. Mais le banal peut être beau au cinéma quand il est sublimé. Ici il est très plat. Le film se montre d’ailleurs parfois lourdement démonstratif quand il évoque la Kalafa, système d’exploitation des travailleurs immigrés mis au service de riches familles libanaises. On apprend par exemple, que les domestiques doivent confier leur passeport à l’agence qui les emploie. Ils se retrouvent ainsi piégés. Ca n’est pas inintéressant mais nous ne sommes pas dans un documentaire et nous aurions pu nous en passer.
L’amour impossible est un sujet vu et revu au cinéma. Cela peut être entre deux femmes dans l’Amérique des années cinquante (‘Carol’ de Todd Haynes), entre un blanc et une noire dans l’Amérique ségrégationniste (‘Loving’ de Jeff Nichols) ou comme ici entre une réfugiée éthiopienne et un réfugié syrien dans le Liban contemporain détruit. Le point commun entre les deux premiers films est que les deux amants ne sont pas au bon endroit pour vivre pleinement leur amour. On retrouve cette idée dans ce film. Les deux amants ne sont chez eux nulle part. Au Liban, Mehdia est l’esclave d’une famille aisée, Ahmed est un réfugié syrien mais ceux-ci sont mal vus par les libanais. Et même quand l’un des deux est dans sa famille, l’autre est encore étranger. Quand ils se rendent en Syrie, lui retrouve sa famille mais elle est ostracisée à cause de sa couleur de peau bien qu’elle parle l’anglais. Quand ils vont voir les amies éthiopiennes de Mehdia, elles le méprisent et ne veulent pas de lui. Ils ne pourront vivre leur amour qu’en s’éloignant des leurs. C’est une très belle idée, pas forcément originale mais pas assez développée.
Une autre bonne idée aurait pu être davantage détaillée. Le corps d’Ahmed semble rongé par un mal mystérieux qui transforme son corps peu à peu en métal. Le film semble alors prendre un détour vers le fantastique. Dommage que le metteur en scène ne développe pas davantage cette idée. On aurait pu quitter le naturalisme.
Les acteurs sont assez bons. Clara Couturet, dans le rôle de Mehdia, a une jolie présence et un visage aux airs butés. Il faut dire qu’elle se démène pour pouvoir vivre son histoire d’amour. Ziad Jallad est très expressif et on sent à ses expressions tout le passé et les souffrance du personnage.
Question mise-en-scène, Wissam Charaf sait s’y prendre. Il fait le choix d’un format carré, la photographie est belle. Il y a de beaux chromos. Et la nature est très bien filmé. Ce qu’on pourrait lui reprocher à la rigueur c’est de ne pas avoir pensé l’ampleur romanesque de son film et de l’avoir cantonné au trivial plutôt qu’au beau.