Etre et avoir
Le film est celui d'un sourire vrai qui doit se dessiner sur le visage de quelques employés corvéables à merci dans un supermarché hard discount comme il en pousse un peu partout aux abords des...
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le 2 févr. 2015
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Les employés d'une grande surface alimentaire lilloise en ont marre de leurs tristes conditions de travail,et quand un plan de dégraissage lié à l'arrivée de caisses automatiques est annoncé,cinq d'entre eux décident de créer une épicerie solidaire en y vendant des produits qu'ils volent dans le magasin qui les exploite.Avec ce film, le réalisateur-scénariste Louis-Julien Petit est devenu le leader du mouvement cinématographique SJW français,un marché bien encombré depuis quelques temps.Il poursuivra dans cette voie avec "Les invisibles" en 2018,sur les difficultés d'un centre d'accueil pour femmes SDF,et "La brigade" en 2022,dans lequel une cuisinière de haut niveau atterrit à la tête de la cantine d'un foyer de migrants.Un gros pensum gauchiste tous les quatre ans donc,mais que nous prépare-t-il pour 2026?Ce "Discount" s'inscrit dans la lignée sociale optimiste héritée du ciné anglais façon "The Full Monthy",une version frenchie qu'on pourrait définir par "les chômeurs nordistes se sortent les doigts du cul".Dans le même genre on a eu "Mine de rien",avec des demandeurs d'emploi qui ouvrent un parc d'attractions sur le thème de la mine,"Si on chantait",où d'anciens ouvriers dont la boîte a fermé montent une start-up de livraisons de chansons à domicile,"Les Tuche 4",des ch'tis à la ramasse ressuscitent une défunte fabrique de jouets,ou encore "Un petit boulot",dans lequel on devient carrément tueur à gages pour arrondir les fins de mois.Ces élucubrations sont rarement convaincantes mais ont le mérite de mettre en lumière la déshérence d'une région,qui n'est malheureusement pas la seule,dévastée par la fermeture des mines et l'abandon de l'industrie,notamment en matière de sidérurgie ou de textile.Petit nous plonge donc dans la description très réaliste de l'horreur économique et des méthodes révoltantes de la grande distribution.Salaires de misère,mépris du personnel,contrôle intrusif des employés qu'on fouille à l'entrée et à la sortie,chronométrage des caissières,on comprend aisément que la perspective de se faire en plus éjecter pour être remplacés par des machines mette quelque peu en colère des gens qui ont désespérément besoin de ce travail pour simplement survivre.Le film éclaire crûment les dérives d'un capitalisme fou parvenu au bout de sa logique.Parce qu'en même temps,comme dirait l'autre,nous sommes dans un système qu'on a voulu et qui a longtemps fonctionné.Autrefois tout le monde y trouvait plus ou moins son compte et le prolétariat bénéficiait d'un certain ruissellement du pognon.Hélas le capitalisme est une machine aveugle qui tourne en continu en poursuivant son but qui est la logique de profit.Adossé au progrès technique,il s'est escrimé via la mécanisation et le mondialisme à réduire les frais pour augmenter les marges bénéficiaires,juste parce que c'est sa vocation,engranger toujours plus de pognon,et il est étonnant qu'on puisse s'en étonner.Le personnel ça coûte cher et ça fait chier,surtout dans des pays occidentaux où les avancées sociales ont établi des limites.Le SMIC,les congés payés,le droit de grève,les arrêts maladie,les ITT,les congés maternité et autres fariboles constituent autant d'obstacles à la progression financière des entreprises.Alors quand on peut foutre des machines à la place ou délocaliser dans des endroits où les lois et les exigences salariales sont bien moindres,pourquoi s'en priver?C'est comme ça que ça marche et pas autrement,mais l'appauvrissement général commence à réveiller les populations endormies et le système peut aussi s'enrayer.Cependant,que faire?Le communisme,on a vu ce que ça pouvait donner et ça ne fait pas vraiment envie.Le centrisme mou socio-démocrate n'a pu que cumuler les tares des deux systèmes.Il faudrait tout revoir,réinitialiser les modes de gestion,mais peut-être pas à la manière du Great Reset prôné par les actuels maîtres du Monde,qui s'amuse à réduire les populations par le biais de l'immigration massive qui jette des groupes incompatibles les uns contre les autres,de guerres inutiles ou de maladies artificiellement provoquées.Tout ceci avec le soutien des écologistes fanas de la décroissance.La solution reste à inventer mais n'est sans doute pas non plus celle que propose "Discount",qui est assez utopique.Là,on est dans le solidaire,le localisme,le troc,le repli communautaire,au sens de communauté géographique,le circuit court,le fantasme écolo-prolo,le zadisme façon Notre-Dame-des-Landes ou "Problemos",le retour au rêve hippie finalement,une expérience qui a tourné court.Non pas qu'on ne puisse utiliser ces leviers,mais de là à baser un système efficace et pérenne là-dessus c'est un peu léger.On en voit bien les limites dans le film d'ailleurs,la solidarité peut vite voler en éclats,et il est impossible de subvenir à tous les besoins par le biais de ce fonctionnement.Sur un plan purement cinématographique,ça débute très bien avant de progressivement tourner en rond pour se terminer dans la clownerie de mauvais aloi.Au-delà du fait-divers somme toute classique,"volons les voleurs!",les invraisemblances ont tendance à s'accumuler.Pour garnir les étagères de leur petit commerce,les personnages sont contraints de dérober des quantités énormes de marchandises,et on n'y croit guère.C'est compliqué à sortir des stocks,surtout quand on a en permanence la sécurité du magasin sur le dos,c'est difficile à transporter et il est totalement incroyable que la direction ne se rende pas compte de tels volumes de disparition de produits.En plus il faut compter sur la discrétion totale des acheteurs,comme si sur les centaines de clients tout le monde allait tenir sa langue,et comme si les attroupements de voitures au milieu de nulle part pouvaient n'attirer l'attention de personne.Bien sûr la manip sera découverte,mais bien tardivement.Ceci dit le visionnage du film est agréable,le fond du propos est pertinent et donne matière à réflexion,tandis que les personnages,fortement caractérisés et incarnés par d'excellents acteurs,sont plutôt sympas et attachants.Il y a Olivier Barthélémy,le costaud révolté qui impulse le passage à l'acte délictueux,Corinne Masiero,coutumière de ce genre de rôle de prolétaire râleuse et parfaitement légitime en ce contexte vu qu'elle est réellement nordiste et a vraiment connu de graves galères.Sarah Suco est très émouvante en mère célibataire combative,même si son monologue gueulard face à la femme qui garde son môme est too much et pour tout dire ridicule.Pascal Demolon est une fois de plus magistral en mec vieillissant divorcé et désabusé,et M'Barek Belkouk apporte une nécessaire détente en petit rigolo de service.Il y a aussi un formidable Pablo Pauly en zonard débrouillard qui aide de manière déterminante nos commerçants amateurs.Le personnage de la directrice du magasin,interprété par une très juste Zabou Breitman,a le bon goût d'éviter le manichéisme.Ce n'est pas une grande méchante,une salope inexcusable qui ne fait rien qu'à persécuter ses pauvres employés,même si elle est ça aussi.On la voit dans le privé,avec son absence de vie personnelle,son désert affectif,son obsession du boulot.C'est seulement une beurette qui a pris l'ascenseur social et se débat pour ne pas en être balancée.Prise entre sa hiérarchie,car il y a toujours quelqu'un au-dessus de celui qui est au-dessus,et ses salariés turbulents,elle subit une forte pression et doit composer sans cesse avec chacun pour sortir de la crise permanente qui assombrit sa carrière.L'excellent Xavier Robic apparait d'ailleurs peu mais bien en cadre costard-cravate qui exige des résultats et menace la dame.
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le 19 oct. 2024
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