Elles ont de belles gambas, les aliènes !
Attention, une mauvaise bande-annonce peut cacher un excellent film !
Certes, District 9 est bien un film de SF, jugez-en plutôt : les militaires qui gèrent le camp de réfugiés se baladent en blindés fraîchement peints de blanc et siglés MNU ... mais il s'agit d'une milice privée. C'est pas de la science-fiction ça ?
Onu soit qui mal y pense, nous revoici donc aux prises avec ces sociétés militaires privées qui fleurissent dans nos poubelles.
Mais là n'est pas seulement le propos du sud-africain Neill Blomkamp qui situe l'action à Johannesburg : des indésirables parqués dans les townships de la banlieue de Jo'burg, c'est pas de la science-fiction ça ?
Et pour ceux qui n'ont pas encore compris ou qui se croient encore hors de portée loin dans le futur, Neill Blomkamp prend soin de filmer tout ça façon JT de 20h, façon documentaire de tous les jours, un peu dans la ligne de Battle for Haditha ou de Redacted.
Bref, de la politique-fiction certes, mais fortement ancrée dans notre présent, c'est le moins qu'on puisse dire !
Le scénario du film est plus qu'astucieux : habituellement les américains filment de gigantesques vaisseaux aliens qui s'arrêtent au-dessus de New-York et leur civilisation ultra-puissante menace de détruire la planète. Heureusement Uncle Sam et ses GI Joe veillent au grain et réussissent généralement à sauver leur pays et une bonne partie du monde avec (en principe, nous, on est toujours dedans).
Blomkamp brise tous ces codes : les aliens sont au-dessus de Jo'burg en pleine Afrique et nous font le coup de la panne d'essence. Ils sont malades, affamés et fatigués, on les parque dans un camp de réfugiés !
L'autre astuce, c'est Sharlto Copley qui incarne l'anti-héros : fonctionnaire idiot, badge en sautoir, raie sur le côté, photo de son petit ange sur son bureau, gilet infâme et accent impayable, absolument ravi de nous faire visiter son camp de réfugiés face à la caméra du reporter, pendant que les militants des droits des non-humains manifestent à l'entrée du District 9.
Ah ! cette scène où, toujours devant les caméras, il jubile et plaisante sur l'irrésistible bruit de pop-corn que font les embryons d'aliens quand ils éclatent alors que derrière lui ses collègues armés de la MNU passent au lance-flammes les cabanes du bidonville ! La bêtise humaine à la puissance dix ! On ne peut ni mieux dire, ni mieux filmer !
Blomkamp ratisse large (apartheid avec les panonceaux "interdit aux non-humains", nazisme antisémite avec les camps de concentrations et les expériences dignes de Mengele, opérations militaires en Afrique ou au Moyen-Orient avec les cow-boys de la MNU, ...) pour faire une sorte de compile de tout ce qu'aura engendré notre sens aigu de l'hospitalité désormais réputé dans toute la galaxie.
D'ailleurs, après le film, on se surprend à prier pour que les aliens de tout bord comprennent bien qui on est et qu'ils fassent un large détour pour ne jamais se poser sur notre terre : il est sûr que nos gouvernements seraient incapables de gérer la situation, ce serait la cata !
On est loin de quand on était petit et qu'on rêvait d'un aimable et intelligent rendez-vous avec les extra-terrestres façon Rencontre du 3° type .
District 9 s'emploie à démolir consciencieusement nos rêves (sur notre rencontre avec les extra-terrestres) et nos illusions (sur notre réalité bien humaine et bien terrestre).
On sort du ring sonné, KO, avec des phrases timides du genre : "Eh ben ..., ça décoiffe hein ?".
Y'a pourtant plein d'humour (l'anti-héros, le petit E.T. bricoleur,...), plein de réparties ironiques dans les dialogues, mais Blomkamp ne nous laisse pas le temps de savourer, pas une seconde de répit (faudra le revoir en DVD) : ça démarre très très vite et le montage serré, haletant, ne faiblit pas un instant. C'est violent et la tension est très forte à laquelle s'ajoutent quelques scènes un peu gores (sûr qu'il faudra quelques semaines avant qu'on remange des gambas ...).
Bon, on aurait pu écourter un peu la seconde partie du film avec ses courses-poursuites-fusillades, ça fait sans doute partie du cahier des charges destiné à remplir les salles obscures, mais il serait vraiment dommage de passer à côté de cet ovni filmique, façon grand-huit.
Même si on est allergique non pas aux crevettes mais aux ambiances SF, on sera emballé (stressé mais emballé), c'est dire !
Et ce n'est que le premier long métrage de Neill Blomkamp (certes Peter Jackson, le seigneur des anneaux, était aux manettes de la production mais quand même) !
Plaignons le prochain réalisateur à qui un studio commandera un film de SF ... comment faire après District 9 ?