Il faudrait que je relise un certain nombre de critiques que j'ai pu écrire sur SC. Je suis sûr que j'ai écrit des dizaines de fois si ce n'est pas plus, que je n'aimais pas les "mélanges des genres", que je n'aimais pas les films "tarabiscotés", que je n'aimais pas les films qui faisaient passer "l'esthétique avant le scénario". Voilà que je me mets à jouer les Dominique Pinon avec ma litanie de "je n'aime pas" …

Eh bien, me voilà pris, encore une fois, en flagrant délit (délire !) de contradiction. Parce que, justement, il y a de tout ça dans ce film !

Parce que je me souviens encore d'être sorti du cinéma en 1981 dans un état second. Subjugué, fasciné, envoûté, charmé. Avec l'envie de le revoir de suite (Comme ça m'est arrivé avec "Paris-Texas" de Wenders, "Jeanne d'Arc" de Fleming, "Rebecca" de Hitchcock).

Alors oui, c'est vrai que c'était une époque où je découvrais la musique classique, l'opéra (Wagner principalement) et les voix lyriques féminines en général. Et là, le film commence et termine par la voix de cette très belle et inspirante W. Wiggins Fernandez … Et on écoute régulièrement cette voix dans le film dans des conditions presque saugrenues, les appartements du postier ou du Gourou. Au milieu des carcasses de bagnoles qu'on soupçonne soudain de révéler leur âme. Ou, bêtement, chez la Diva avec un sensationnel "Ave Maria" de Gounod.

Et vous savez quoi ? Ce mélange de modernité dans ces appartements multicolores, bouffés par des affiches de pub et la musique classique fonctionne bien peut-être tout simplement parce que Beineix a réussi le prodige de mettre la musique dite élitiste à la hauteur d'une culture plus populaire, plus consumériste.

Comment résumer l'histoire sans trop spoiler sinon pour dire que le film tourne autour de ce jeune postier, de son amour (platonique) pour la cantatrice tandis qu'il est mêlé à son insu à une histoire policière pour avoir été au mauvais moment au mauvais endroit et qu'il va faire la rencontre de nouveaux amis genre gourou tendance anarchiste.

Les trois histoires finissent par être complètement liées avec des personnages dépendants les uns des autres comme si on mélangeait des aspects négatifs avec des aspects positifs dont on sait qu'à la fin on arrivera obligatoirement à un mélange neutre.

L'esthétique du film. Beaucoup de travail sur les couleurs. Le bleu, par exemple dans l'appartement du gourou qui s'estompe ou s'adoucit au fur et à mesure qu'on apprend à connaître et à apprécier le personnage étrange et sa disciple. Maintenant que je connais bien ce film, je ne dirai pas qu'on est dans une esthétique parisianiste. S'il y en a (ce qui est très possible), on n'y fait plus attention pour deux raisons. L'esthétique s'intègre à l'action et s'adapte aux personnages.

Et puis, soudain, on efface tout et on se retrouve au jardin des Tuileries pour une balade romantique et tout aussi esthétique.

Comme la traction avant du Gouru, livrant une nouvelle facette du personnage. Je n'exclue surtout pas le second degré. En effet, plusieurs fois, je me suis surpris à sourire devant une situation attendue ou prévisible, parce que déjà vue ailleurs. Comme si Beineix faisait des clins d'œil. Comme le cameo avec Brigitte Lahaie qui ne sert strictement à rien, sauf à détourner l'attention une seconde en se ramenant à Marilyn Monroe.

Le casting. Il repose sur quelques seconds rôles qui vont d'abord apparaître à travers leurs gueules : Dominique Pinon (Le curé) et Gérard Darmon (l'antillais) dont l'aspect caricatural ne peut que conforter le second degré que Beineix met dans la partie thriller et noire du film.

Le rôle du gourou est superbement interprété par Richard Bohringer qui passe du statut ténébreux et louche au statut humaniste et cultivé. "Le zen dans la tartine"

J'aime beaucoup le rôle de cette actrice Thuy Ann Luu, que je ne connais pas, plein de facéties et très drôle, finalement bienveillante.

"Alors, Super Jules, tu craques"

Ce qui me fait arriver à Frédéric Andrei qui tient le rôle principal de Jules, le postier. Pour moi, on n'est pas loin du coup de génie de Beineix dans le choix de l'acteur. Le personnage principal est un être ordinaire et falot, sans grand charisme. Monsieur tout le monde, quoi. Avec sa mob jaune puis rouge. Il va même réussir à approcher de très près la cantatrice alors qu'il a beaucoup de choses à se reprocher dans son comportement. Il va réussir à tenir tête aux bandits, certes avec difficultés. La panne d'essence de la mob en pleine poursuite échevelée dans le métro est presqu'un must !

"Diva" est le premier long-métrage de Beineix. J'ai suivi pendant quelques années les films suivants et n'ai, malheureusement, jamais retrouvé une magie équivalente.

"Diva" est une sorte d'OVNI dans mes références cinématographiques. Et j'assume mes contradictions.


JeanG55
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le 28 sept. 2024

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