Deux intrigues s'entremêlent tout au long du film. Vont-elles se rejoindre à un moment ou à un autre? Leur facteur commun -si j'ose dire- est un postier qui détient deux cassettes compromettantes, l'une reproduisant la voix sublime d'une diva que le postier amoureux d'opéra a piratée; l'autre est la confession d'une prostituée dénonçant un policier proxénète et que Jules détient à son insu.
Les contenus contraires des cassettes (d'un côté l'enregistrement de la beauté pure, de l'autre le récit d'une activité sordide) semblent introduire une parabole manichéenne. On peut aussi interpréter les ennuis de Jules avec le policier ripou comme le châtiment de son méfait (le piratage); Ce rapport, évident sur la forme, reste néanmoins trouble, pour ne pas dire obscur. D'autant que Beneix met en scène des personnages assez peu définis, sans dimension psychologique ou sociale. La "modernité" et l'étrangeté du film reposent sur cette distance, sur le sens incertain de l'action (où l'on retrouvera la violence et le mouvement propres au polar) tout autant que sur un formalisme appliqué à des lieux a priori dépourvu d'esthétisme: un appartement sombre et vide, les couloirs du métro ou un garage sinistre. Beneix casse l'apparente simplicité du polar par un manichéisme assez déconcertant, à moins d'y voir une forme de poésie urbaine.