Avec ce Django, je (re)crois en Tarantino
Autant le préciser tout de suite, j'appartiens au cercle restreint des déçus du Django de Sergio Corbucci, "l'original". Et aussi étrange que cela puisse paraitre, les éléments qui ont fragmenté ma déception de Django ont justement rendu dans Django Unchained ce qui semblait être une explosion d'orgueil, un regain d'espoir avec la pensée furtive : "Non, Tarantino n'est pas mort !" Bien sûr, les défauts de cette version de Tarantino sont nombreux, et nous somme loin du grand film, ou même du grand spectacle sur certains points. Mais quand même, quel souffle nous bouscule pendant près de 3 heures ! Voilà bien longtemps qu'un western épique n'avait pas été pondu. Je n'osais plus l'espérer, me réfugiant dans les classiques pour couver ma morosité.
Pour l'histoire, je passe la main. Résumons ça en : "un Django noir est sauvé puis pris en charge par un chasseur de prime (Christoph Waltz) excentriquement gentleman, pour enfin se décider à partir en quête de sa femme, esclave quelque part." Rien d'extraordinaire sur les plans conjugués scénario / réalisation, il n'en est pas moins que le filtre aux teintes vaguement BD de la caméra ne passe pas inaperçu. Riche en couleurs, mais d'ambiance tamisée d'une infinité d'influences désertiques, calcaires et ambrées, le pictural de Tarantino s'exprime à loisir à travers certains décors somptueux, mais n'efface pas une certaine pauvreté dans sa mise en scène, un manque de culot pourtant si propre à lui-même, ou peut-être, au contraire, une certaine humilité derrière sa caméra. Ainsi, le contraste entre des décors "naturels" superbes et des scènes "en ville" monotones est parfois grisant.
L'image plaira ou non, mais ne laissera pas indécis le spectateur. Ce qui attisera pour sûr son intérêt, en revanche, c'est la bande-son. Tellement belle, un condensé si talentueux de mes expectations dans le genre que j'en suis venu à me demander si tout ça n'était pas qu'une distraction habile pour dissimuler des manques plus cuisants, comme celui de l'originalité ou du scénario. Car ce qui pour moi fait la force de Django Unchained, ce sont les acteurs. Comme d'habitude, le casting Tarantinesque fait son office, et tous sont à l'aise dans leurs rôles. Par contre, la touche de Christoph Waltz, déjà fastidieuse dans Ingl. Bstd., devient magique ici. Encore une fois, il flotte sur un nuage et nous ravit d'une performance onirique. Di Caprio est très convaincant, et l'habitué-de-Mr-Quentin Samuel L. Jackson pète la forme. Le cas de l'esclavage des noirs et du racisme généralisé -au même titre que la connerie, comme toujours- n'est pas traité en profondeur, mais plutôt comme exposé sans pudeur à la libre appréciation du spectateur. Façon Tarantino, quoi.
(traduction de ce qu'il pourrait en penser : "Moi, jte balance ça dans la gueule, bam ! Après, toi, t'en fais c'que tu veux.")
Reste ce qui j'imagine séparera les détracteurs des adeptes du nouveau Tarantino : le Django par Jamie Foxx. Son charisme est limité, sa présence moins. Pour moi, il est l'acteur parfait dans ce rôle. Rappelons que le Django original est plutôt morne. Ils ont donc déjà ce point commun. Le second, c'est leur ombre. Car dans les deux films, le Django est une ombre qui se déplace de scène en scène. Tout avait commencé avec un cercueil, là ce sont des chaines... Il a un visage mais ne dégage rien. Son seul talent qui n'engage pas la perte définitive d'une âme est de se faire des ennemis. Il ne l'ouvre pas beaucoup, mais quand il le fait, on se dit que cette habitude qu'il a prise, il devrait la travailler plus encore... Car Django, on sait que chaque fois qu'il va ouvrir la bouche, ou presque, ce sera pour se faire un ennemi de plus. Parce qu'il est comme ça. Tout ce qui compte, c'est ce qu'il veut. La mort il la connait, il n'est plus qu'une ombre meurtrière qui poursuit sa route inlassablement, ses prunelles illuminées par l'orgueil.
La réussite de ce Django Unchained, c'est cette ambiance, ces échanges genre café-théâtre tantôt nobliaux, tantôt barbares dont le poids s'accroit indéniablement par le coffre des acteurs qui les prononcent, c'est cet enchainement musical qui fait du bien au coeur et aux tripes, ce fond dénonciateur, railleur et sauvage de tout et rien à propos de l'être humain. Tarantino fait sa BD au cinéma, son hommage conjugué au 9ème art et au western Leonien de la grande époque. Il met en scène une partie de ses passions, et bien que la maladresse -paresse ?- commune à ses dernières oeuvres soit toujours présente, cette ombre noire évoluant au coeur de cette BD filmique plantée dans un West majestueux, accompagnant le déroutant Dr King Schultz (C. Waltz) dans une aventure épique et rafraichissante, moi ça me ravit.
Oui, car après ce Django, je crois encore en Tarantino.