Comme un gourou es films pour dégénérés, Tarantino se pose devant ses fans cajoleurs qui, au motif de pourfendre la bienséance, se roulent dans la fange de films qui n’en sont pas, attribuant gloire et lauriers légendaires à des bagatelles rigolardes, des scénettes mignonettes et des faux semblants plus creux que réjouissants.

Tarantino a d’ailleurs son pendant français, son frère miroir : Christophe Gans, le réalisateur de Silent Hill et Crying Freeman. Parfaits fans, cinéphiles avertis et passionnés, pétris d’un goût exquis et d’un jugement éclairé, ils s’embourbent dès qu’ils décident de passer du verbe à l’action.
Patauds, pas franchement finaux, la fange populiste et le clin d’oeil comme leitmotiv les attirent et les ravissent. Tarantino demeure pourtant un bon bougre. Courageux, il use de sa notoriété en faveur des causes (humaines) qu’il défend. Sa force lui a d’ailleurs fait voler sa palme à Old Boy lorsque, président du jury de Cannes en 2004, il attribua au docu de Michael Moore l’or tant convoité. Ca fait mal, mais on parvient à lui pardonner parce que c’était pour la (bonne) cause.

Pourtant, comme le bon whisky, Quentin Tarantino semble s'améliorer avec l'âge, et l'expérience. Il se bonifie clairement en fait, et prouve, en fin de compte et contre toute attente qu'un Quentin peut accomplir de belles choses avec beaucoup de travail et pas mal de temps.

Django fait partie de ces longues et belles choses (CMB). Peut-être parce qu’il ne s’embarrasse pas de l’inutile. Peut-être parce que le message de Django est plus abouti, plus franc. Peut-être parce qu'il ose et qu'il arrête de rendre des hommages systématiques et inintéressants. Peut-être encore parce qu'il est un peu moins prétentieux que d'habitude. Un peu moins roublard et m'as-tu-vu. Peut-être également parce que c’est un film qui, sans ambiguïté, a choisi son camp.

Narrateur hors pair lorsqu’il a quelque chose à raconter, Tarantino déroule ici avec brio l’histoire de ce couple atypique, King Schultz, chasseur de prime, et Django, esclave noir vite affranchi qui s’entraident et s’aident à s’ouvrir au monde. Jamie Foxx le noir voit d’un bon oeil la clémence du destin qui lui fait rencontrer Christoph Waltz, magistral comme toujours, piquant et hilarant psychopathe au grand coeur et à l’humanité plus à fleur de peau qu’il y paraît.

Comme un grand huit, un entraînement d’arts martiaux, Django défoule. Vous êtes assis dans votre fauteuil pendant près de trois heures, et pourtant vous en sortez ébouriffé de cette frénésie jouissive qui s’est déroulée sous vos yeux. Dialogues furieux, tueries collectives hyper nerveuses se succèdent tout au long de l’aventure.

Certes, Tarantino, dans sa traditionnelle construction en forme d’enchaînement de scénettes, pêche par un rythme en dents de scie et quelques coups de mou en milieu de film. Mais son casting en béton, depuis l’extraordinaire Waltz, jusqu’au non moins fabuleux Di Caprio, en passant par le bouseux par excellence, Walton Goggins (The Shield), ou encore l’intendant Samuel L. Jackson, qui tient là un second rôle génial (oui, Samuel L. Jackson sait jouer, il était temps de le vérifier), soutenu par une bande son moderne et bien sentie (le hip-hop colle tellement bien au western), emportent la folie de cette révolte personnelle au-delà du vengeance movie ordinaire.

On rit de ces dialogues, on frissonne de la pression dont le réalisateur imprègne chacune de ses scènes (aidé en cela par la perversion d’un Di Caprio au sommet), on jubile de cette violence visuelle un peu inutile, on exulte de voir tomber, l’un après l’autre, toutes les ordures que le film charrie.
On se sent tous noirs et esclaves. On se sent tous vibrant d’un juste désir d’égalité. On se sent tous partie prenante de cet engagement, de cette leçon politique, de cet avertissement rouge et or. On se sent un peu merdeux aussi, d’avoir à assumer un héritage tel que celui que l’Histoire nous a laissé. On se sent humble, devant la maestria de Quentin Tarantino, mise au service de ce pamphlet. Et on sort l’oeil brillant et jovial de ce moment un peu particulier, tant dans le cinéma grand public que dans la filmo de Tarantino. Un western cool, tendance et social. Le choc.
hillson
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Films vus en 2013, Les films de gauche et Les meilleurs films de 2013

Créée

le 27 janv. 2013

Critique lue 714 fois

8 j'aime

4 commentaires

hillson

Écrit par

Critique lue 714 fois

8
4

D'autres avis sur Django Unchained

Django Unchained
guyness
8

Quentin, talent finaud

Tarantino est un cinéphile énigmatique. Considéré pour son amour du cinéma bis (ou de genre), le garçon se révèle être, au détours d'interviews dignes de ce nom, un véritable boulimique de tous les...

le 17 janv. 2013

344 j'aime

51

Django Unchained
real_folk_blues
7

Jamie nie Crockett

Salut, j’aime Tarantino et je t’emmerde (poliment, bien sûr). Certes, il est podophile (j’ai bien utilisé la lettre « o »), pas très agréable à regarder, parfois vulgaire, et un brin complaisant...

le 18 janv. 2013

133 j'aime

50

Django Unchained
Nushku
7

Dragées Unchained

Le dernier Tarantino est un film des plus sucrés. Sucré avec tous ces accents chantants ; ce Sud pré-Civil War aux relents de southern gothic, aux plantations garnies de belles demeures ornées de...

le 11 janv. 2013

105 j'aime

8

Du même critique

The Shield
hillson
10

Un Rampart contre les scandales

The Shield est une série brillante. Inspirée de faits réels survenus dans les années 90 à Los Angeles (le scandale Rampart, qui a poussé un officier de police à dénoncer plus de 70 collègues pour...

le 18 juin 2010

151 j'aime

32

Le Loup de Wall Street
hillson
5

Que tu as une grande queue - c’est pour mieux te baiser mon enfant

Un type a dit que 2013 avait apporté des blockbusters de grande qualité, et il a cité Django Unchained et Le loup de Wall Street. Que Le loup de Wall Street soit un blockbuster ne fait aucun doute,...

le 12 janv. 2014

133 j'aime

24

Don't Starve
hillson
7

Don't play

Mini jeu en bêta, disponible sur steam mais pas complètement, je vous le dis tout net. Ce jeu est nul. Ce n'est même pas la peine d'essayer. Non, franchement, passez votre chemin. Déjà, c'est un peu...

le 28 janv. 2013

131 j'aime

14