A-t-on le droit de ne pas aimer Django Unchained ? A en lire la presse unanime et le public, non. Il faut aimer Django Unchained. Bon… soit. Je me suis toujours méfié de cette poignée de main entre critique et public. Au final, il y a toujours un hic. Et là encore…. Je ne me suis pas trompé.
Explication : c’est un fait, Quentin Tarantino est le plus grand fan de cinéma au monde. Du moins, il a travaillé toute sa carrière autour de la cinéphilie commençant par pomper le City on Fire de Ringo Lam, vantant les mérites du cinéma de HK puis la Blaxploitation et le Western Spaghetti. A première vue, Quentin Tarantino est un défenseur de la veuve et de l’orphelin cinématographique ce qui explique certainement l’enthousiasme unanime qui anime chacune de ses sorties. Ce qui explique aussi les pudibonds des académies des arts qui n’oublient jamais de lui dérouler le tapis rouge, garant d’un cinéma d’jeuns top méga cool. Sans doute, exprime-t-il une déviance que ces derniers n’osent pas exprimer en public. Mais qu’il est de bon ton avec Tarantino de mettre en valeur. Tout ça respire l’objectivité n’est-ce pas ? Au fond, le problème de ses films, c’est qu’on a toujours l’impression de voir la copie d’un premier de la classe décomplexé. Le mec qui veut paraître cool et singulier mais qui au final ne fait que répéter le langage de ses professeurs. Incapable d’avoir sa propre vision. Et pour cacher son manque de vision, quoi de mieux que de piquer dans la tonne de films qu’il a pu voir et en faire son « style ». Ce qui, au passage, a légitimé pour pas mal de monde le droit de faire du cinéma sous prétexte qu’ils ont vu beaucoup de films. Cinéaste, oui. Pour le reste…
Une vision, un point de vue, c’est avant tout avoir quelque chose à dire. C’est le problème de ses films. Tarantino n’a jamais rien à dire si ce n’est nous parler du ou des cinéma(s) qu’il aime. Au début de sa carrière ça pouvait être bien, plaisant, prenant. C’était même honnête et sincère (son meilleur film : Jackie Brown). Là ça en devient cynique. Car depuis trois films… le monsieur – pour des raisons de consistance – traite de trois thèmes qui par nature sont inattaquables. Le féminisme avec Boulevard de la Mort, la traque des juifs durant la seconde guerre mondiale avec Inglorious Basterds et l’esclavage des noirs dans Django Unchained.
Pourquoi choisir des thèmes et se poser là comme défenseur de grandes causes déjà acquise depuis bien longtemps ? Qui oserait remettre cela en cause. Je veux dire… avant même de rentrer dans la salle, nous savons déjà que tout cela est mal et fait partie de la sombre histoire de l’être humain. Bien entendu, ça n’interdit pas de traiter de ces thèmes, mais de manière aussi grossière, personnellement, je trouve cela assez mauvais. Sans compter qu’au final, il est facile de nous révolter devant tant de lâcheté et de bassesse humaine. C’est le cas de Django Unchained. Quentin Tarantino connait très bien le public et se sert de cette connaissance pour le brosser dans le sens du poil et l’émoustiller durant près de 3h. Conséquence inévitable de la manœuvre : le cynisme. Si cinématographiquement il n’est pas mauvais (quoique la photographie durant la première séquence…), de ce côté-là, ce n’est pas non plus transcendant. Enlevez l’hémoglobine et son soit disant « unchained » n’existe plus. Et bien tout le film est à cette image. Dans la posture, dans la représentation mais jamais dans l’incarnation. Tarantino n’est pas cool, mais il veut l’être. A l’image du final, complétement débile et incohérent. Voyez-vous ? Durant près de trois heures, il nous demande de prendre part émotionnellement à la souffrance de cette pauvre Broomhilda, mais à la fin elle se retrouve toute pimpante complétement amnésique à son calvaire tandis que son sauveur de mec lui fait du charme… enfin c’est plutôt son cheval qui en fait.
Le « mec » parlons-en. Non seulement, il est complétement absent mais le genre « mâle » est lui aussi absent. Soit tout le contraire du Western qui est un genre, jusqu’à son sens du cadre, masculin par nature. Le cinéma de Quentin Tarantino a toujours été féminin et il est bien l’esclave de son temps. Pour lui, le mâle représente le sale, le puant. Tandis que le féminin est dans le camp du raffiné de ce qui est bien en apparence. Piètre vision de Metrosexuel. Que ce soit dans la posture des personnages campés par Dicaprio et Waltz en passant par celui de Walton Goggins (Clair de Lune) et Jamie Foxx. Il n’y a pas de caractère, ni de choix masculin. C’est d’ailleurs, certainement pour ça que le scénario de QT n’a pas tranché les testicules de Django, vu qu’il n’en a pas. Bref pour le western on repassera. Je pense aussi à Sergio Corbucci (réalisateur du Django original) et Enzo G.Castellari, réalisateur du superbe Keoma. Un vrai Western Spaghetti. Que dirait d’ailleurs John Carpenter, Clint Eastwood (Impitoyable, le vrai hommage au western spaghetti) ou Sergio Leone en voyant cela ? Je me permets de penser qu’ils seraient beaucoup plus durs que moi.
Cependant il y a aussi de bonnes choses dans Django Unchained et ça en est d’autant plus rageant et frustrant. Tarantino arrive par moment à créer de véritables ambiances et à se réapproprier le genre (quoique par moment, on a l’impression d’assister à un « temp track » qu’on aurait oublié de remplacer en post production aussi belle soit la musique). Les comédiens tous impeccable : oui, on aime le cabotinage de Dicaprio, on aime aussi la composition excellente de Samuel L. Jackson et bien entendu la présence de Christopher Waltz emporte tout. Quel dommage d’ailleurs de l’avoir expédié aussi maladroitement. Un vrai western spaghetti aurait montré Django lui faire une tombe avec des « gros cailloux » au crépuscule. Une tombe pour l’homme qui lui a rendu la liberté. Encore faut-il avoir le sens du tragique et de l’épique. Tarantino lui préfère le cynisme, la gaudriole et la cool attitude pour adolescentes.
Et oui Quentin, être cool, ça ne s’achète pas.