N’ayant pu complètement me débarrasser de toute conscience morale, j’ai dû placer ce qu’il m’en restait dans le cinéma. Je peux donc revendiquer le genre d’assertion contenu dans le titre ci-dessus avec tout le sérieux possible, et m’imaginer ainsi porter haut, dans une bataille idéologique inédite, l’étendard d’une conscience retrouvée en brûlant, tel un sans-culotte enragé, à l’évidente cause qu’elle nous intime, cette conscience sacrée, de défendre : oui, à bas Tarantino, à bas la complaisance, la suffisance, le cinéma déboutonné qui laisse voir sans la moindre pudeur ses misérables oripeaux. A bas ce cinéma faussement rebelle et véritablement bourgeois qui se goberge à coups de millions de dollars dans le seul but d’étaler ses références. A bas surtout cette complaisance généralisée, celle en premier lieu de la communauté "critique" qui réceptionne ces démonstrations d’insupportable suffisance comme s’il s’agissait des plus grandes merveilles du cinéma.
Et puisque cette diatribe est à visée dialectique, je dis, oui : viva Rodriguez. Viva l’américano-mexicain ami et associé de Tarantino, qui a pour lui quelques valeurs qui font l’entière différence, à savoir une modestie, une honnêteté et une application au travail qui magnifient cette puérilité par laquelle beaucoup le rejettent sans la juger à l’aune de son cinéma. Mon propos pourra sembler très éloigné d’une expérience commune dans laquelle ces distinctions vitales ont sans doute du mal à apparaître, noyées qu’elles sont dans l’épaisse couche de divertissement indifférencié à quoi tout cela se résume ; du (peu de) cinéma proposé on ne retient finalement que le format de l’écran, la tête de l’acteur (qui vous revient ou pas) et quelques autres détails du même acabit. Cela suffit largement pour se faire une opinion solide. Les questions de cinéma, on se les posera éventuellement à l’occasion de quelque film édifiant ou d’un grand classique. Et bien non. Le cinéma passe par ces endroits où il ne semble justement pas invité, et ce sont de grandes oppositions cachées qui le révèlent.
Je ne peux évidemment finir sans inviter tous ceux que j’aurai convaincu à me rejoindre pour former un mouvement anti-Tarantino et pro-Rodriguez. On pourra peut-être faire un tee-shirt imprimé avec le slogan-titre, et on diffusera petit à petit notre lutte dans le monde entier.
P.S. : Critique écrite avant Machete 2 et Sin City 2 (je tiens à préciser !)