En plein été, une chaleur étouffante accable la mégalopole new yorkaise. Sous un soleil de plomb, la vie de la ville suit son cours, comme celle de Mookie, le livreur de pizzas, qui arpente les rues et observe avec nous la société qui l’entoure. Mais il tient surtout le destin de cette dernière entre les mains. Et à ce moment-là, fera-t-il le bon choix ? Will he do the right thing ?


2018 a été une belle année pour Spike Lee. Récompensé par le Grand Prix du Jury au Festival de Cannes pour BlacKkKlansman, accumulant 1,3 million d’entrées en France, et figurant sur la liste des prétendants à l’Oscar du meilleur film, on peut dire que le cinéaste, connu pour son engagement, autant présent dans ses interventions que dans ses films, bénéficie de nouveau d’une belle exposition. De quoi, également, pour les personnes qui, comme moi, ne le connaissaient que peu voire pas du tout, juger intéressant d’en savoir plus sur son parcours et sa filmographie. A la fin des années 80, Spike Lee est encore peu expérimenté, mais Do The Right Thing va marquer un tournant. Les premières images ne trompent pas. Avec cette séquence-générique où une femme enchaîne les chorégraphies et les tenues sur une musique bien d’époque, le réalisateur prévient d’emblée que l’on va avoir à faire à un métrage énergique voire énervé, mettant le spectateur dans les bonnes dispositions.


Choisir un jour d’été, où règne une chaleur caniculaire, n’est pas anodin. Les corps suent, les esprits s’échauffent, et la lumière ambiante se teinte en orangé, embrasant le décor. Avec cette atmosphère chaude, ces plans de travers, Spike Lee crée quelque chose de bigarré, pour donner de la vie et de la richesse à l’image de ces quartiers, tout en suggérant quelque chose de plus dérangeant et à fleur de peau. Car Do The Right Thing se présente comme une chronique de la vie d’un quartier de New York, avec sa galerie de personnages variés, mais c’est aussi et surtout un film qui questionne sur le vivre ensemble et la cohabitation entre les différentes communautés. Une cohabitation qui peut être tout à fait pacifique, mais qui est fragilisée par des a priori et une sorte de rage ambiante, que Spike Lee expose à travers les accès de colère de certains personnages, témoignant d’une vision d’une société où les individus sont sans cesse sur la défensive, criant d’emblée sur les autres au lieu de parler, et empêchant toute forme de communication constructive.


Le titre du film fait directement allusion à un acte qui a lieu vers la fin du film. Comme il est important de s’y intéresser pour tenter de comprendre le message du film, je vais donc ouvrir une parenthèse « spoiler » pour développer ce point.


A la fin du film, Radio Raheem est tué par un policier, et une émeute se déclenche devant le restaurant de Sal. Mookie, après hésitation, jette une poubelle contre la vitre de restaurant, menant à sa destruction par les habitants du quartier. Le geste de Mookie est lourd de conséquences, et vient poser de nombreuses questions. Pourquoi ce geste ? Pour quelles raisons ? Jusqu’ici, Mookie n’avait pas vraiment pris parti, mais c’est son geste qui déclenche le cataclysme final. A mes yeux, il n’existe pas une unique interprétation du geste de Mookie.


On peut se dire que Mookie, pris entre deux feux, constatant le rapport de force inégal entre la foule en colère et l’équipe de Sal, a cédé à la pression du groupe en choisissant de lancer la foule vers le restaurant. On peut également se dire que Mookie a, à son tour, tout simplement libéré sa colère et cédé à celle-ci en jetant la poubelle. Enfin, pour rejoindre le point de vue de Spike Lee, on peut également voir dans ce geste une « compensation », par le biais de la destruction de restaurant, de la mort de Radio Raheem, un besoin de rendre la pareille, tout en épargnant Sal et son équipe pour ne pas faire plus de victimes. Le reste appartient au spectateur, qui se crée sa propre opinion face à la situation. Sal méritait-il que son restaurant soit détruit ? L’émeute devait-elle se déclencher ? Quelle considération est apportée à la vie d’un homme Noir dans un pays où la communauté Noire a si longtemps été opprimée et mise en marge de la société ? Ces questions, Spike Lee tente d’y répondre, tout en confrontant le spectateur face à sa propre vision des choses, finissant par deux citations de Martin Luther King et Malcolm X, montrant l’éternelle indécision dans le choix d’agir de manière pacifique ou violente pour faire avancer les choses.


Le film de Spike Lee n’est pas là pour prendre parti. Il est là pour, tout au plus, exposer un point de vue, mais créer un contexte et des situations laissant au spectateur le soin de se faire sa propre opinion, d’être confronté à sa propre vision des choses et, éventuellement, de la remettre en question. Do The Right Thing propose un intéressant tableau d’une société mixte, où l’on rumine les préjugés, où les gens sont à fleur de peau, et où la violence peut exploser à tout moment. Une société où le dialogue est rompu, où l’on ne s’écoute plus, à force de se crier dessus, pour rien. Un film qui a aujourd’hui 30 ans, mais qui reste on ne peut plus d’actualité.

JKDZ29
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le 9 févr. 2019

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